Jean-Claude Masangu: “l’avenir risque d’être sombre !” 

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Les temps sont mauvais. La situation devient de plus en plus intenable pour les gagne-petits RD-congolais au regard du panier de la ménagère qui n’existe plus que de ce nom. Car, remplacé depuis des lustres par le sachet. À l’heure qu’il est, nouer les deux bouts du mois devient un exercice périlleux. Vu que dans les marchés, les prix des denrées de base et autres produits vitaux changent au jour le jour. Les Kinois ont, eux, fixé leurs regards sur la baguette du pain qui est passé allégrement de 100 FC, 150, 200, 300 à 500 FC.

Pourtant, ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres si l’on interroge le sac de maïs, du manioc, du riz… Le sémoule de maïs dont le sac de 25 Kg se négociait à 38.500 FC il y a quelques jours a vu passer son prix passer à 41.500 FC actuellement. Les exemples abondent à ce sujet.

Mais pourtant, cela serait le début du commencement en ce qui concerne la descente aux enfers des RD-Congolais, si l’on s’en tient à l’analyse pertinente faite par le Gouverneur honoraire de la Banque Centrale du Congo -BCC-, qui tire la sonnette d’alarme à la faveur de son discours devant la Société Civile du Congo le 07 avril dernier. Jean-Claude Masangu s’appuie sur des bases solides en relation avec la crise russo-urakienne et ses conséquences tant au pays que sur le plan international :

1) La hausse des prix des matières premières exportées par la RDC à fin 2020, 2021 et au 18 mars 2022 : 

· Pétrole Brent, USD / baril : 51 ; 78 ; 108 en hausse de 37 % par rapport à 2021

· Cuivre LME, USD / tonne : 7.803 ; 9.605 ; 10.165 en hausse de 5,8 % 

· Cobalt LME, cathode 99,80%, USD / tonne : 34.768 ; 66.556 ; 84.437 en hausse de 16,6 % 

· Or, USD / once : 1.889 ; 1.811 ; 1.921 en hausse de 6,1 % 

2) La hausse des produits agricoles importés par la RDC à fin 2020, 2021 et au 18 mars 2022 : 

· Blé Chicago, USD / tonne : 236 ; 283 ; 404 en hausse de 42,5 % par rapport à 2021 

· Maïs Chicago, USD / tonne : 174 ; 218 ; 262 en hausse de 20,1 % 

· Riz Chicago, USD 269 ; 323 ; 345 en hausse de 6,8 % 

3) Forte pression sur le budget et les finances de l’Etat ainsi que sur les réserves de change de la Banque Centrale du Congo ; 

4) Une augmentation du prix de l’essence à la pompe est attendue par les pétroliers passant de CDF 2.000 / litre fin mars 2022 à CDF 3.700 dans les jours voire semaines ou mois qui suivent, soit une hausse de 85 % ; 

5) Une hausse du prix du transport en commun, des taxis, taxis-bus, taxis-motos ; pour les courses des taxis-motos une hausse de 100 % et des taxis 60 % ; 

6) Une hausse de l’inflation passant de 5,28 % au 31/12/21 à une projection de 7,95 % pour fin 2022 voire 15,78 % dans un scénario pessimiste où les prix du carburant à la pompe et les prix des denrées alimentaires sur le marché international augmenteraient de 50 % ; 

7) Une baisse du pouvoir d’achat s’il n’y a pas d’augmentation de salaires ; 

8) Une dépréciation du Franc Congolais par rapport au Dollar allant de un USD = 2.000 CDF à un Dollar = 2.350 CDF dans un scénario pessimiste ; et enfin, un risque de remous sociaux si l’on y prend garde. Comme on peut le voir, l’avenir risque d’être sombre en RDC.

Contexte international 

Le contexte international est marqué par la guerre entre la Russie et l’Ukraine, guerre déclenchée fin février 2022 sur quatre fronts : 

1) Front militaire : au-delà des sites militaires, la destruction du tissu économique de l’Ukraine (infrastructures aéroportuaires et portuaires, ponts et chaussées, bâtiments administratifs, logements, …) affecte négativement le commerce international, les exportations de céréales, d’huile de tournesol ainsi que du pétrole et du gaz ; 

2) Front médiatique : la propagande, la désinformation et des images de désolation couplées avec des  accusations de crimes de guerre et génocide et accompagnées de coupures des réseaux sociaux Tweeter et Facebook ; 

3) Front économique : des sanctions financières sous forme d’exclusion de la Russie du système international de transfert de fonds SWIFT, de gel des avoirs à l’étranger de la banque centrale et des banques commerciales russes, du blocage des cartes Visa, American Express et MasterCard, d’une réduction drastique des achats de pétrole, gaz et charbon russes, et d’arrêt brutal des investissements occidentaux en Russie ; et enfin, 

4) Front monétaire : celui-ci n’a pas encore vraiment pris forme de manière très visible. La Russie veut imposer son rouble comme monnaie de paiement pour son pétrole et gaz en remplacement du dollar américain et se tourne vers la Chine à travers son système international de transfert de fonds, la China International Payment System (CIPS). Celui-ci utilise la monnaie chinoise et donne ainsi plus de poids au yuan dans les échanges commerciaux internationaux. 

Conséquences internationales 

1) La hausse des prix des matières premières notamment des céréales et denrées alimentaires, des métaux, de l’énergie (pétrole, gaz, électricité), des transports aériens, maritimes et routiers ; 

2) La hausse de l’inflation, la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs et éventuellement des revendications d’augmentation du SMIG et des salaires ; 

3) Des perturbations dans les échanges commerciaux, les chaînes d’approvisionnement et les transferts de fonds ; 

4) Des incertitudes sur les déficits budgétaires des Etats ainsi que sur les marchés financiers, notamment à travers les taux d’intérêt ; et enfin, 

5) Une baisse de la croissance mondiale. 

Ruth Booto