La dépouille du premier Premier Ministre congolais, Patrice Emery Lumumba, est restituée solennellement, ce 20 juin 2022 à la République démocratique du Congo. Cette cérémonie officielle s’est déroulée au Palais d’Egmont de Bruxelles, entre les autorités Belges, avec à leur tête le Premier Ministre Alexander De Croo et la délégation congolaise conduite par le Premier Ministre Jean-Michel Sama Lukonde. Des membres du gouvernement congolais, des conseillers spéciaux du Président de la République, l’Ambassadeur de la RDC en Belgique et des membres de la famille biologique du feu le héros National, Patrice Emery Lumumba, étaient présents. Cette restitution solennelle et historique intervient 61 ans après l’assassinat de l’un des pères de l’indépendance de la RDC.
Pour le Premier Ministre belge, Alexander De Croo, cette restitution permet de reconnaitre la responsabilité morale de la Belgique dans l’assassinat du 1er Premier Ministre de la RDC pour laquelle il a présenté des excuses à la famille éplorée et au peuple congolais tout entier, tout en rassurant qu’il est plus que temps de mettre fin à toute forme de racisme afin qu’une nouvelle page de l’histoire qui permet à la Belgique et à la RDC de se tourner vers l’avenir radieux commence, avec un attachement profond aux principes de la démocratie.
Prenant la parole à son tour, le Premier Ministre, Jean-Michel Sama Lukonde a rassuré de l’engagement de la RDC de faire honneur à la mémoire de Patrice Emery Lumumba qui demeure une source d’inspiration des valeurs positives. Du côté de la famille biologique de l’illustre disparu, Mme Julianna Lumumba a, sur fond des hymnes nationaux des deux pays ( Belgique et RDC), réceptionné le cercueil des restes de Patrice Emery Lumumba qui sera porté dans la cour d’honneur militaire avant d’être acheminé à l’ambassade de la RDC à Bruxelles, considéré comme territoire diplomatique du Congo Kinshasa.
Discours de Son Excellence Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, À l’occasion de la Cérémonie de remise solennelle de la Dépouille mortelle de Patrice Emery Lumumba Bruxelles, Palais d’Egmont,
Juin 2022
Monsieur le Premier Ministre du Royaume de Belgique ;
Messieurs les Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat Messieurs
les Députés et Sénateurs
Mesdames et Messieurs les membres des Gouvernements Belge et Congolais ;
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, membres du Corps diplomatique ;
Mesdames et Messieurs membres de la famille du Premier Ministre
Patrice Emery Lumumba ;
Mesdames et Messieurs ;
Distingués invités ; En vos titres et qualités respectifs,
L’émotion est forte en prenant la parole aujourd’hui en ce lieu chargé d’histoire ; ce Palais d’Egmont qui a accueilli les Pères de l’indépendance congolaise, il y a exactement 62 ans, à l’occasion de la Table Ronde de Bruxelles ayant conduit la République Démocratique du Congo à sa souveraineté internationale.
Parmi les protagonistes de l’histoire de la décolonisation de notre pays, figurait,
justement, l’un de ceux dont la mémoire nous réunit ce jour : je cite, Patrice
Emery LUMUMBA, notre Héros national.
Mandaté par le Président de la République Démocratique du Congo, Son
Excellence Monsieur Felix Antoine Tshisekedi TSHILOMBO, au nom du peuple congolais et à celui du Gouvernement que je dirige. Je suis venu recevoir
solennellement aux côtés de ses enfants et petits-enfants, la dépouille du premier Premier Ministre de la République Démocratique du Congo. Dépouille, autour de laquelle son peuple organisera, dans les heures qui suivent, le deuil national qui n’a jamais pu avoir lieu.
La date du lundi 20 juin 2022, en Belgique comme en République Démocratique du Congo, entre, désormais, dans les annales de l’Histoire, notre histoire
commune.
Le retour de Patrice Emery LUMUMBA dans son Pays permet, à coup sûr, à la République Démocratique du Congo de recouvrer un des maillons essentiels de sa mémoire nationale fragmentée par la tragédie de sa disparition.
Au-delà de la République Démocratique du Congo, c’est tout un continent, l’Afrique, qui célèbre le retour de l’un de ses dignes fils. Et au- delà même de l’Afrique, c’est l’ensemble du monde épris de liberté qui salue cet événement. En même temps qu’il doit se réjouir et se féliciter des hommages que nous rendons à ce Grand Combattant de la liberté, de la démocratie et de la dignité de l’homme, quelle que soit sa condition.
Monsieur le Premier Ministre ;
Mesdames et messieurs,
Au nom du Gouvernement congolais, je dois reconnaître la volonté politique du Gouvernement belge. Il en fallait beaucoup pour arriver à ce moment. Vos propos l’ont si bien rappelé.
Je voudrais, en même temps, saluer les efforts des Institutions à travers le monde ainsi que l’engagement des personnalités qui se sont investies dans l’aboutissement de ce processus de haute portée historique dont cette journée constitue l’épilogue.
Nous ne pouvons parler de Patrice-Emery Lumumba sans nous remémorer ses deux compagnons, Maurice MPOLO et Joseph OKITO qui, comme lui, ont perdu la vie dans des conditions tragiques.
La lutte pour l’Indépendance, la souveraineté nationale et internationale, point de départ de la prise en mains de notre destin, demeure incontestablement les motifs pour lesquels ils sont morts. Ils ont été admis récemment dans l’ordre d’Héros Nationaux Kabila-Lumumba aux grades de Grands Officiers.
Aux côtés de leurs familles, le Gouvernement de la République se tient pour que justice leur soit aussi rendue.
« Le régime colonial a été un système basé sur l’exploitation et la domination, marquée par une relation inégale, injustifiable et par le paternalisme, la discrimination et le racisme », j’emprunte ces mots du Roi Philippe pour avouer que ce système et le traumatisme qu’il a entraîné a plombé les années qui ont suivies l’indépendance et ont eu une incidence sur l’avenir de notre pays.
Le travail de la Commission parlementaire sur le passé colonial nous édifiera davantage sur cette page douloureuse de notre histoire.
En février dernier à l’occasion de la visite à vos côtés du Musée Royal de l’Afrique Centrale (Musée de Tervuren), j’ai reçu de vos mains la liste des oeuvres d’arts qui doivent nous être restituées. Et la remise symbolique par le Roi au Président Félix-Antoine TSHISEKEDI du masque Suku marque incontestablement notre volonté commune de nous réconcilier avec notre histoire et de scruter dans la sérénité et sans complexe l’avenir de nos rapports.
Monsieur le Premier Ministre ;
Mesdames et messieurs,
Évoquer LUMUMBA aujourd’hui avec nos jeunes générations, c’est rappeler son combat, son rêve de faire de la République Démocratique du Congo, un pays moteur dans le développement de l’Afrique par sa position géostratégique en plein coeur de l’Afrique, par sa diversité et sa richesse socioculturelle, par son sol, par son sous-sol, par sa flore, par sa faune.
C’est pourquoi, dans son célèbre discours du 30 juin 1960, LUMUMBA lui- même soutenait, je cite : « Nous allons faire du Congo le centre de rayonnement de l’Afrique tout entière ». Une conviction qui rejoignait celles d’autres illustres figures panafricaines telles Frantz Fanon, Aimé Césaire, Cheik Anta Diop, Kwame Nkrumah.
Visionnaire, notons que, dès 1958, LUMUMBA alertait l’opinion tant nationale qu’internationale sur la menace de la violation de l’intégrité du territoire qui pesait déjà sur son pays. Il est le premier homme politique congolais qui emploie le vocable « balkanisation », concept sur lequel aucune Congolaise, aucun Congolais ne peut jamais transiger.
Aujourd’hui, il est de notre responsabilité d’appeler le peuple Congolais, essentiellement sa jeunesse, à porter à bras-le-corps le combat de LUMUMBA, qui demeure aujourd’hui encore de grande actualité.
Combat de la protection et de la préservation de l’intégrité territoriale. Combat pour ne jamais trahir la République face aux convoitises extérieures. Cette intégrité territoriale à laquelle tient aussi la Belgique et que vous comme le Roi avait si bien rappelé en ce moment précis, où notre pays fait face à une nouvelle agression rwandaise, avec son lot d’atrocités.
Des enfants ont encore perdu la vie, une école bombardée, des femmes contraintes à quitter leur milieu naturel. Depuis plus de 25 ans, l’anormal est devenu normal. Notre détermination à y mettre fin autour de notre Président de la République, Chef de l’Etat, et de nos Forces Armées est à nouveau renforcée ce jour.
Que dire encore de Lumumba alors qu’il faut des ouvrages entiers pour le décrire, un vaillant combattant pour la démocratie, une référence incontournable, pour la jeunesse et les générations à venir, un héros national. Et pour moi premier Ministre de la RDC, une source d’inspiration dans la lutte pour le bien être de chacune et chacun des Congolais
Monsieur le Premier Ministre ; Distingués invités ;
Mesdames et Messieurs ;
Tout en nous invitant, tous, Belges et Congolais, à regarder notre passé en face, il nous appartient de poser les jalons d’une nouvelle collaboration sincère et solide, tournée vers une coopération mutuellement avantageuse et reposant sur l’estime réciproque en vue d’un développement harmonieux de nos peuples respectifs.
Car, le souvenir du passé douloureux, qui nous réunit ce jour, est riche d’enseignement pour l’avenir. Un avenir tributaire à la fois, de la reconnaissance de ce passé commun dans toutes ses facettes et de l’effort commun de le dépasser pour tisser de nouveaux liens sur des bases plus solides entre nos peuples.
« Le Congo au coeur de l’Afrique et la Belgique au coeur de l’Europe ne peuvent plus formuler leurs problèmes en termes exclusivement nationaux », disait le Roi Baudouin en 1970.
Le temps est venu pour que nos jeunes l’apprennent davantage et pour que nous puissions pleinement jouer ce rôle vital pour l’avenir de nos continents et de la coopération entre l’Union Africaine et l’Union Européenne.
Monsieur le Premier Ministre,
C’est dans ce sens que, lors de votre récent séjour à Kinshasa, à la suite de la visite de Sa Majesté le Roi Philippe, nous avions eu l’occasion, tous deux, d’explorer sans complaisance les domaines de coopération fructueux. Tous deux, nous avions manifesté l’intérêt d’ouvrir de nouvelles perspectives de la coopération bilatérale entre nos deux États.
Il me revient, d’ailleurs, de relever qu’à la suite du sixième Sommet Union Européenne – Union Africaine, tenu à Bruxelles au mois de février dernier, des options fondamentales ont été levées en rapport avec l’atteinte des objectifs du Développement Durable pour l’Afrique.
Ces échanges fructueux doivent aussi caractériser les officiels des deux parties, en vue d’inciter cette coopération mutuellement avantageuse pour nos deux peuples appelés aujourd’hui à écrire une nouvelle page de l’histoire.
Puisse la mémoire de Patrice-Emery LUMUMBA, qui nous réunit ce jour, constituer un moment de rassemblement et le point d’un départ d’un avenir plus radieux.
Je vous remercie.