Eve Bazaïba : “Comment parler de la lutte contre le changement climatique sans la RDC?”

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Comme il a été annoncé, le go des travaux préparatoires de la COP27 a eu lieu ce lundi 03 octobre 2022 dans l’enceinte du Palais du peuple, dans la commune de Lingwala à Kinshasa.

Pour la circonstance, la Vice-Premier ministre en charge de l’environnent et Développement durable, Eve Bazaïba Masudi a, dans son discours, indiqué que la cérémonie de ce jour est d’une portée historique pour la République Démocratique du Congo, pays-solution à la crise climatique, dans la mesure où elle marque et consolide son grand retours à la table des négociations internationales sur les questions relatives à la lutte contre le changement climatique.
Un retour, a souligné la VPM Bazaïba, qui traduit la vision climatique du Président de la République Félix Antoine TSHISEKEDI, que l’Exécutif traduit en actes, sous la supervision du Chef du Gouvernement Jean Michel Sama Lukonde.
Pour commencer, les remerciements ont été adressés à toutes les délégations qui ont répondu positivement à l’invitation de la République Arabe d’Égypte et de la République Démocratique du Congo pour participer aux travaux préparatoires de la 27ème Conférence des parties à la Convention Cadre des Nations Unies sur le changement climatique « PRECOP27 » dont les travaux proprement dits (COP27) se dérouleront à Sharm-El-Sheik en République Arabe d’Égypte du 7 au 18 novembre de cette année.
“Je saisis cette opportunité pour remercier la République Arabe d’Égypte pour avoir accepté de coorganiser cette PRECOP avec un Pays du Bassin du Congo, dont la forêt constitue l’un des poumons écologiques de la planète, à coté des Bassins Amazonien et Indonésien. Je remercie également le Secrétariat de la Convention Cadre des Nations Unies sur le changement climatique pour son accompagnement technique en vue de la réussite de ces assises», a dit la vice-Premier ministre en rappelant que la RDC qui accueille la cérémonie de ce jour est un État de plus de 2.345.444 km2 de superficie, couvert à plus de 60 pourcents par la forêt tropicale humide, représentant plus de 62% des forêts du Bassin du Congo, avec plus de 155 millions de kilomètres carrés de forêts tropicales humide.
Elle a enchaîné par souligner que ces forêts séquestrent quotidiennement près de 24,5 Gigatonnes de gaz à effet de serre, alors que ses 105 km2 de tourbières constituent un stock naturel d’environ 30 Gigatonnes de dioxyde de carbone, soit l’équivalent de plus de deux ans d’émissions mondiales.
“Comment donc parler de lutte contre le changement climatique, de protection de l’environnement, ou même de préservation de la biodiversité sans faire référence à la République Démocratique du Congo ?”, s’est-elle demandé sans toutefois avouer qu’ainsi consciente qu’une telle dotation en ressource naturelle ne saurait aller sans une responsabilité qui s’y rattache de manière presque automatique, la RDC s’est présentée au monde comme un Pays-solution à la crise climatique, ayant pris conscience de la relation qui existe entre ses ressources naturelles et le changement climatique, et la responsabilité qui s’y rattache, dans un contexte de lutte contre l’extrême pauvreté de sa population.

Quid du principe pollueur payeur…!
Et de poursuivre que si, grâce à son ingéniosité, l’homme a pu surmonter diverses formes de crises au cours des sciècles, la science nous apprend qu’avec le changement climatique, c’est une autre histoire.
A moins d’un effort global ambitieux visant une réduction drastique des émissions afin de limiter le réchauffement de la planète à 1.5 degrés Celsius, il est évident que personne n’y échappera. Il est donc urgent que nous rehaussions profondément et radicalement nos ambitions climatiques et passions aux actes avant qu’il ne soit trop tard.
En vertu du principe de responsabilités communes mais différenciées, et du principe pollueur payeur qui forment l’épine dorsale du régime juridique international de la lutte contre le changement climatique, nos États ont chacun l’obligation d’agir contre ce phénomène très rapidement, efficacement et surtout proportionnellement à la part de responsabilité que chacun porte dans cette crise, afin de sauver la planète. C’est une question d’éthique et de de morale climatique.
En tant qu’Etat membre du Bassin du Congo, plusieurs raisons ont conduit la RDC à solliciter l’organisation des travaux préparatoires de la Conférence des parties à la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement climatique, alors que celle-ci revient sur le continent Africain pour la 3e fois depuis 1992, date de l’adoption de la Convention.
Il s’agit notamment :
– de l’urgence d’attirer l’attention de la communauté climatique internationale sur le Bassin du Congo, une région cruciale à la lutte contre le changement climatique, mais qui n’a à ce jour bénéficié que de très peu d’attention, alors qu’elle rend d’immenses services écosystémiques à l’humanité toute entière, dont notamment la protection de la biodiversité et la séquestration du carbone atmosphérique ;
– de souligner le fait que notre région est à la fois victime des effets du changement climatique, et a une besoin de plus en plus pressant d’adaptation, alors qu’en même temps nous sommes détenteurs d’une bonne partie de la réponses basée sur du fait de nos immenses ressources naturelles, notamment notre biodiversité et nos 268 millions d’ha de forêts tropicale.

En tant que pays membre d’un bassin tropical qui contribue significativement aux solutions basées sur la nature, et en même temps un des pays les moins avancé de la planète (PMA), la République Démocratique du Congo voudrait profiter de cette opportunité pour exprimer un certain nombre de préoccupations en rapport avec la préservation de son patrimoine forestier et de l’adaptation de son économie, de ses infrastructures et de ses communautés aux impacts négatifs du changement climatique.
– en premier lieu, la tendance à la banalisation du non-respect des engagements internationaux pris par les parties à la Convention cadre des nations unies sur le Changement climatique, avant et pendant la COP26 ;
– en second lieu, la question des pertes et dommages liée aux impacts du changement climatique qu’il faut distinguer de celle de l’adaptation au changement climatique et les aborder séparément, vu que les pertes et dommages se réfèrent aux urgences et à des circonstances temporelles, alors que l’adaptation s’adresse plutôt à des circonstances plus structurelles à programmer sur du long terme.

En d’autres termes, pendant que nous-nous préoccupons des moyens de gérer les urgences que le changement climatique cause dans des régions qui en sont le plus exposées, ce que nous saluons comme membres de la communauté des acteurs climatique internationale, a fait savoir Sama Lukonde, nous soulignons qu’il est encore plus urgent de se pencher profondément sur les changements structurels que l’adaptation au changement climatique impose aux communautés des pays les moins avancées, qui souvent se retrouvent dépourvues des ressources technologiques et financières pour ce faire.
– en troisième lieu, la vice-Premier ministre cite la difficile cohabitation entre les questions de survie d’une part, et celles relatives à la réduction des émissions de gaz à effet de serre d’autre part.
– en effet, a-t-elle souligné, nous avons besoin d’exploiter nos ressources naturelles et trouver du pain à nos enfants, mais sur la ligne de ce devoir, il y a de plus en plus des obstacles associés à la nécessité de réduire nos émissions. Plusieurs pays africains ont du mal à opérer un choix entre la survie de leurs populations et le contrôle des émissions de gaz à effet de serre, alors que le continent n’est responsable que de 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Que faire dans ces circonstances ? Exploiter nos ressources et nourrir nos enfants ou les contempler et les laisser mourir de faim ?
– en troisième lieu, Bazaïba cite la récurrente question de l’accès aux fonds climats par les pays forestiers, notamment ceux des bassins tropicaux de la planète, alors que leurs forêts rendent des services incommensurables à l’humanité.
– Dès lors, a-t-elle déclaré, comment expliquer toutes les conditions qui sont imposées à nos États pour accéder à des fonds destinées à protéger des ressources dont nous sommes tous bénéficiaires? “Je rappelle que la plupart de ces conditions, procédures, etc. souvent belles sur papier, opèrent sur terrain comme des barrières à l’accès des pays les moins avancés aux fonds climat», a constaté Eve Bazaïba avant de rappeler que tout investissement dans la protection et la préservation des forêts ne doit plus jamais être envisagé comme une aide au développement, mais plutôt comme un investissement dans le système climatique mondiale, qui en réalité est un bien commun à toute l’humanité. Tous, nous respirons le même air, et tous nous baignons dans la même atmosphère, a-t-elle insisté, conseillant d’en pprendre soin en investissant dans les forêts. “Songeons aussi aux gardiens de forêts, car en tant que tel, ils ont droit à une rémunération. Que le monde arrête les discussions et se mettes au travail. La planète brûle, et nous brûlerons avec elle si nous continuons de parler au lieu d’agir”, a-t-elle renchérit.
– En dernier lieu, nous citons le prix de la tonne de carbone forestier. Il est anormal que le prix d’un service qui sauve la planète ne soit pas valorisé à juste titre. Le prix de la tonne de carbone séquestrée devait correspondre aux coûts relatifs à la préservation de ce service. A ce propos, c’est 100 dollars américains qui ont souvent été avancés, mais que nous estimons toujours insuffisant, en contrepartie à la valeur des services rendus.
– Que les pays pollueurs trouvent dans le rehaussement du prix du Carbonne forestier l’opportunité d’appuyer l’auto-financement de l’action climatique dans les pays dotés d’importantes ressources forestières, car nous sommes capables de contribuer aux fonds d’adaptation et d’atténuation et aider nos frères des pays les moins avancés qui ne sont pas aussi dotées naturellement que nous à lutter contre ce phénomène.
– Ne portez pas le poids du financement de l’action climatique mondial vous seuls. Faites de nos bassins forestiers tropicaux vos partenaires dans cette lourde responsabilité.

Pour terminer, elle a indiqué que la RDC prend ce jour le monde entier à témoins, et rassure de son choix à contribuer aux efforts globaux de lutte contre le changement climatique. Mais à quel prix ? et avec qui ? car le gouvernement ne le fera certes pas seul et à ses propres frais. C’est simplement inimaginable et impossible.
Quelques observation et questions pour clore :
– Aujourd’hui nous-nous plaignons de la dégradation du Bassin de l’Amazonie, et des autres Bassins tropicaux de la planète, mais la vraie question est celle de savoir si nous avons fait ce qui était nécessaire pour le préserver ?

– N’avons-nous pas laissé cette charge aux seuls peuples de l’Amazonie pour ensuite nous plaindre que ce bassin précieux à l’humanité aies été dégradé ?

– Que faisons-nous aujourd’hui pour protéger le bassin du Congo, et qui fera que demain il ne connaisse pas le même sort ?
– que faisons-nous aujourd’hui pour que demain nous ne puissions pas en rougir ?
– Voilà une gamme de questions dont les réponses sont attendues à la faveur de COP27 qui se prépare en ce moment