RDC: L’offensive américaine sur les minerais face à la Chine

Depuis le retour en novembre dernier de Donald Trump à la Maison Blanche, la stratégie américaine, amorcée depuis plusieurs années, s’accélère sur sa position d’affaires en ressources naturelles de la République démocratique du Congo (RDC).
Classée parmi les 15 pays les moins développés du monde, la RDC possède l’une des terres les plus riches de la planète, notamment en cuivre, cobalt, coltan et lithium.
L’évolution technologique oblige, les Etats-Unis cherchent en République démocratique du Congo (RDC) à assurer leur approvisionnement en minerais essentiels à la fabrication de composants électroniques, espérant concurrencer le quasi-monopole de la Chine sur ce secteur stratégique.
RDC, un pays de la cocagne
Un pays merveilleux d’abondance et de délices, mais la RDC est un eldorado à risque où dorment dans son sol, des matériaux essentiels à la fabrication de composants pour l’armement, les téléphones mobiles ou les voitures électriques.
Dans ce pays de merveilles où des multinationales atterrissent comme des mouches autour d’une viande pourrie, on constate la mainmise de la Chine pour l’extraction de cobalt.
En 2024, la RDC a ainsi fourni 76% de la production mondiale de cobalt, selon l’Institut américain d’études géologiques (USGS).
Bousculé par la résurgence dans l’est de la RDC du groupe armé M23 soutenu par le Rwanda, le gouvernement congolais cherche à obtenir de Washington un accord garantissant aux Etats-Unis une chaîne d’approvisionnement stable et directe pour la défense et la technologie, contre un renforcement de la coopération sécuritaire. Et l’accord signé à Washington sous l’impulsion de Donald Trump en juin dernier, entre Kinshasa et Kigali, en témoigne.
Mais les experts affirment que le secteur minier congolais est gangréné par une contrebande chronique, des réseaux criminels et de corruption qui dissuadent les investisseurs privés. Surtout les Congolais qui sibt dans l’exploitation artisanale, se voient arracher leurs sites pour les céder aux étrangers.
Les Etats-Unis en contour des conflits à l’est pour le sud-est
Au gré de ses offensives depuis 2021, le M23 s’est emparé de nombreux sites miniers dans l’est de la RDC où ce groupe armé occupe d’importantes localités dont le sous-sol renferme des minerais dont les noms de certains ne sont pas encore connus.
Pour l’heure, selon des experts, l’attention de Washington se porte principalement sur le sud-est du pays, épargné par les conflits actuels et riche en cuivre et cobalt.
Les Etats-Unis promeuvent depuis plusieurs années l’établissement du « couloir de Lobito », un des projets d’infrastructure les plus ambitieux sur le continent, devant permettre l’acheminement des minerais des provinces du sud-est de la RDC vers un port angolais sur l’océan Atlantique.
Un ancrage important de la Chine
Depuis plus d’une décennie la Chine a entretenu son ancrage sur le terrain à cause de sa ténacité. Des entreprises chinoises exploitent la majorité des gisements en RDC, souvent récupérés de compagnies occidentales découragées par les conflits ou le climat des affaires.
On peut citer Tenke Fungurume, l’une des plus grandes mines de cuivre et de cobalt au monde, appartenant à une société chinoise dans le sud-est de la RDC. Pour une bonne affaire, Christian Géraud Neema, expert du Projet Afrique-Chine, estime que les États-Unis ont intérêt à récupérer de titres.
« Si les Américains veulent aujourd’hui entrer dans ce secteur et se mettre à faire du profit immédiatement, cela va impliquer d’arracher des titres miniers à certaines entreprises », estime Christian Géraud Neema.
Et d’ajouter : « S’ils veulent débuter de zéro, ils devront demander des permis de recherche et se lancer dans l’exploration, ce qui peut prendre un minimum de 8 à 9 ans avant d’obtenir des résultats », souligne l’expert.
Le groupe Kobold Metals financé par Jeff Bezos et Bill Gate
Le groupe minier américain Kobold Metals, start-up américaine utilisant l’intelligence artificielle pour découvrir des gisements minéraux, notamment le lithium, a signé en juillet un accord de principe avec Kinshasa pour l’exploration de « 1.700 carrés miniers » (unité de mesure cadastrale représentant environ 85 ha, ndlr).
Financé par Jeff Bezos et Bill Gates, le groupe a également obtenu l’accord des autorités de RDC pour exploiter sa précieuse base de données minières.
L’ITIE : des études poussées pour seulement 20% du territoire
« Toutes les mines que nous connaissons viennent des recherches effectuées il y a 80 ans, 100 ans » et « moins de 20% du territoire a connu des études poussées », explique Jean-Jacques Kayembe, coordonnateur de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) en RDC.
En juillet, 600 titres miniers ont été remis dans le domaine public à l’issue d’une vaste opération d’assainissement du fichier cadastral.
Les américains tiennent au respect des procédures
Plusieurs sources et sécuritaires évoquent des pressions gouvernementales pour répondre aux demandes américaines.
La RDC « n’est pas en train de brader », répond Crispin Mbindule, président du conseil d’administration du cadastre minier de la RDC. Selon lui, les Américains ont « respecté toute la procédure et ont payé tous les droits ».
De son côté, l’expert Jean-Jacques Kayembe précise qu’au delà de la découverte de nouveaux gisements, la création de joint-ventures avec des entreprises minières dont l’État congolais est actionnaire fait partie des solutions pour répondre aux intérêts américains.
L’ombre de Dan Gertler sur les royalties
Malgré qu’il a été visé par des sanctions américaines pour avoir acquis dans des conditions opaques des concessions minières en RDC, le sulfureux homme d’affaires israélien Dan Gertler a conservé son influence et ses réseaux dans le secteur minier du pays.
« Il touche encore des royalties dans trois des plus grands projets miniers du pays », affirme Jean Claude Mputu, de l’ONG Le Congo n’est pas à vendre (CNPAV).
En mars 2021, les Etats-Unis avaient rétabli les sanctions contre M. Gertler, décidées en décembre 2017 par le département d’Etat américain mais allégées juste avant le départ de Donald Trump de la Maison Blanche.
« Il est impossible qu’un type qui a ce savoir-faire ne soit pas impliqué » dans les négociations actuelles, juge un diplomate européen. Mais l’AFP qui devait contacter M. Gertler pour avoir sa réaction n’a pas été en mesure de le faire.
Gel Boumbe
