RDC : Constant Mutamba, de l’ascension fulgurante au purgatoire judiciaire

 RDC : Constant Mutamba, de l’ascension fulgurante au purgatoire judiciaire

Le verdict est tombé comme un couperet. Le 2 septembre 2025, après deux reports, la Cour de cassation a condamné l’ancien ministre de la Justice Constant Mutamba à trois ans de travaux forcés et cinq ans d’inéligibilité pour détournement de fonds publics. Avec cette décision, celui qui se rêvait en challenger sérieux à la présidentielle de 2028 se retrouve brutalement écarté de la scène électorale congolaise. Reste à savoir si cette condamnation signe la fin de sa carrière ou le début d’une longue traversée du désert avant un éventuel retour.

 

De l’avocat militant au tribun national

Avocat de formation, Mutamba a longtemps été perçu comme un jeune loup de la politique congolaise. Il s’est fait connaître en tant que défenseur de causes souverainistes et par son discours contre la corruption. Propulsé au ministère de la Justice, il s’impose vite par son style direct et sa capacité à occuper l’espace médiatique. À la tête de la Nouvelle génération pour l’émergence du Congo (NOGEC), il rassemble une base jeune et urbaine séduite par ses références à Patrice Lumumba et son verbe haut.

 

Un procès emblématique

Ironie du destin, c’est pour détournement de fonds que l’ex-garde des sceaux a été condamné. Selon la Cour de cassation, il a violé les règles de passation des marchés publics en prélevant près de 20 millions de dollars sur les comptes du Fonds de réparation et d’indemnisation des victimes des activités illicites de l’Ouganda en RDC (Frivao) pour financer un projet de construction d’une prison à Kisangani. La somme a été transférée, le 16 avril 2025, vers un compte ouvert la veille au nom de Zion Construction. Pour la haute juridiction, ces « violations répétées » et cette « précipitation » visaient à enrichir frauduleusement cette société.

 

Un capital de sympathie paradoxal

Tout au long du procès, Constant Mutamba a joué la carte du populisme. Dans ses interventions et sur les réseaux sociaux, il s’est présenté comme victime d’un acharnement politique. Une frange de la jeunesse a défendu « son innocence », organisant des rassemblements et multipliant les hashtags en sa faveur. Résultat : alors même que la justice établissait sa culpabilité, sa cote de popularité a grimpé. « Il a su incarner le ressentiment d’une partie de l’opinion contre les institutions », analyse un politologue de l’Université de Kinshasa.

 

Les effets immédiats de la condamnation

La peine d’inéligibilité prive Mutamba de toute participation aux scrutins pendant cinq ans, y compris la présidentielle de 2028. Dans un système politique où l’absence prolongée du terrain équivaut souvent à l’effacement, cette sanction est lourde. La NOGEC, formation encore jeune et très personnalisée, risque de se déliter sans son leader charismatique. Plusieurs cadres pourraient rallier d’autres partis en vue des échéances électorales.

 

Quatre scénarios pour l’avenir

– Reconstruction discrète : Purger sa peine tout en écrivant, en publiant et en entretenant ses réseaux pour revenir après 2030 en “martyr politique”.

– Internationalisation du dossier : Plaider un procès politique auprès d’ONG et d’organisations internationales pour maintenir son image à l’étranger.

– Faiseur de rois : S’effacer en soutenant un candidat de substitution et devenir un parrain politique en coulisse.

– Affaiblissement durable : Voir ses soutiens se disperser et son parti disparaître, comme cela est arrivé à d’autres figures éphémères.

 

Le scénario qui se réalisera dépendra de plusieurs facteurs : l’exécution réelle de la peine (ferme ou aménagée), l’attitude du pouvoir, la résilience du NOGEC et l’évolution du contexte national.

 

Entre Lumumba et Machiavel

Dans ses discours, Mutamba se réclame de l’héritage de Patrice Lumumba. Ses partisans citent aussi Machiavel : « Un homme politique habile sait exploiter les occasions issues d’un échec comme d’un succès. » De fait, son avenir dépendra de sa capacité à transformer cette condamnation en tremplin. « Dans l’histoire congolaise, plusieurs figures condamnées sont revenues sur le devant de la scène. Tout est question de stratégie et de contexte », rappelle un observateur.

 

Un destin suspendu

Pour l’heure, Constant Mutamba entame sa traversée du désert. Sera-t-il catalogué comme l’homme neutralisé par la justice ou reviendra-t-il en force comme un leader revenu de l’adversité ? La réponse dépendra de sa capacité à structurer une stratégie de survie et à conserver, malgré l’épreuve, le capital politique qu’il s’est construit.

 

Christian Tandu

    admin

    Related post