Lettre ouverte à Daniel BUMBA, Gouverneur de Kinshasa

Je me permets de vous interpeller aujourd’hui, étant resté sans suite de ma proposition vous adressée en date du 21 octobre 2024 et réceptionnée par vos service le 23 octobre 2024 sous le numéro 2064, concernant l’instauration du certificat de composition de ménage à Kinshasa, Messieurs les Ministres provinciaux du Plan et du Partenariat Public-Privé étaient mis en copie. Je regrette sincèrement que cette initiative, pourtant déterminante pour l’avenir de notre capitale, n’ait pas encore reçu l’attention qu’elle mérite de votre part. Permettez-moi de réitérer l’urgence et l’intérêt vital de cette proposition, face à une situation qui, chaque jour, met davantage en péril le développement harmonieux et la gestion efficace de Kinshasa.
Notre capitale, conçue à l’époque coloniale pour accueillir 400 000 habitants, est aujourd’hui une mégalopole tentaculaire de 17 millions d’âmes, réparties sur 24 communes toutes surpeuplées. Cette croissance démographique fulgurante, sans une maîtrise adéquate des mouvements de population ni une identification précise des ménages, est un frein majeur à toute politique publique cohérente et efficiente. Comment, Monsieur le Gouverneur, pouvons-nous espérer élaborer des politiques sectorielles efficaces et budgétisées sans savoir qui vit où, qui fait quoi, et quelle est la composition réelle de chaque foyer ?
L’exemple belge du « Mouvement »
Il est impératif de s’inspirer des bonnes pratiques. Prenez l’exemple de la Belgique, un pays où les communes ont une maîtrise totale de leurs populations grâce à des registres de la population méticuleusement tenus. Ce mécanisme d’identification, appelé là-bas le « Mouvement », et dont le certificat de composition de ménage est un extrait de l’Etat-civil, permet aux autorités locales de connaître précisément les besoins de leurs administrés en matière d’éducation, de santé, de logement, d’emploi, et bien plus encore. Cette connaissance approfondie de la population est la pierre angulaire qui leur permet de mettre en œuvre des politiques sectorielles utiles, de les budgétiser avec précision et d’assurer un suivi rigoureux.
Ce n’est pas un luxe, Monsieur le Gouverneur, mais une nécessité absolue. Imaginez pouvoir anticiper les besoins en places scolaires dans tel quartier, planifier la construction d’infrastructures sanitaires en fonction de la démographie locale, ou encore adapter les services de collecte des déchets au nombre réel d’habitants par ménage. C’est précisément ce que permet le certificat de composition de ménage : une planification basée sur des données concrètes, et non sur des estimations approximatives ou des slogans.
Des services publics aveugles ?
Je vous pose la question, Monsieur le Gouverneur : comment comptez-vous développer les services publics de la capitale sans avoir une maîtrise minimale de la population ? Sans connaître la composition des ménages, ni qui vit où, ni même qui fait quoi comme activité économique, comment espérez-vous non seulement améliorer la qualité des services mais aussi augmenter les recettes de la ville par une taxation équitable et efficace ?
Toutes les politiques publiques de la ville de Kinshasa, qu’il s’agisse d’urbanisme, de santé, d’éducation, de sécurité ou de fiscalité, supposent une identification rigoureuse et actualisée des ménages. Le certificat de composition de ménage, sur le modèle belge que j’ai détaillé dans ma proposition, est l’outil indispensable pour y parvenir.
Recettes et contrôle
Au-delà de son rôle fondamental dans la planification et la gestion, ce certificat présente un avantage économique très important. Sa délivrance, comme je l’ai démontré, peut générer des recettes significatives pour les communes, contribuant ainsi à leur fonctionnement et à l’amélioration des services de proximité. C’est un pas concret vers l’autonomie financière tant recherchée dans le cadre de la décentralisation.
De plus, l’implémentation de cette mesure permettrait des contrôles ciblés dans les logements afin de limiter le nombre d’habitants aux places disponibles, contribuant ainsi à une meilleure hygiène et salubrité publique. Cette régulation de l’occupation des logements, couplée à une connaissance précise des flux migratoires, pourrait également favoriser un exode urbain contrôlé, désengorgeant ainsi progressivement notre capitale et favorisant le développement des provinces.
Ignorer cette proposition, c’est se priver d’un puissant levier pour le développement de Kinshasa. C’est accepter de naviguer à vue dans une ville en constante évolution, sans carte ni boussole. Il est temps, Monsieur le Gouverneur, de prendre des mesures audacieuses et pragmatiques pour la bonne gouvernance de notre chère capitale.
Je reste convaincu que l’instauration du certificat de composition de ménage est une étape incontournable pour doter Kinshasa des outils nécessaires à son développement et à son rayonnement. J’espère sincèrement que vous reconsidérerez l’importance de cette proposition et que des actions concrètes seront initiées dans les plus brefs délais.
Monsieur le Président Félix Tshisekedi,
Monsieur le Ministre de l’Intérieur Jaqmain Shabani,
Permettez-moi également de vous interpeller directement sur l’urgence de cette question. La généralisation du certificat de composition de ménage à l’ensemble du pays, en tant qu’outil fondamental de planification et de gestion des populations, devrait être proposée et débattue lors de la prochaine Conférence des Gouverneurs. C’est une condition sine qua non pour l’efficacité des politiques publiques à l’échelle nationale et pour une meilleure décentralisation. L’avenir de notre pays repose sur la connaissance et la maîtrise de sa population.
Dans l’attente d’une réponse favorable et d’un engagement fort de votre part, je vous prie d’agréer, Monsieur le Gouverneur, Monsieur le Ministre et Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.
Léon Engulu III
Philosophe,
Ingénieur agronome
Ancien Coordonnateur a.i du
Mécanisme National de Suivi,
chargé de la préparation des réformes en RDC
