La communication d’État ne se décrète pas, elle s’explique

 La communication d’État ne se décrète pas, elle s’explique

1. Un pouvoir qui parle beaucoup, mais qui n’explique pas
Le pouvoir congolais s’exprime abondamment, mais il ne communique pas réellement. Depuis la démocratisation des années 1990, la communication institutionnelle demeure prisonnière d’un schéma vertical hérité de la Deuxième République : le culte de la personnalité s’est maintenu au détriment de la pédagogie de l’action publique.

Les interventions du Chef de l’État sont devenues le principal vecteur de la parole gouvernementale. Pourtant, dans un régime semi-présidentiel, le Président incarne la continuité de l’État, mais c’est le Premier ministre qui conduit la politique de la Nation et, à ce titre, porte la responsabilité première de son explication publique. Or, la Première ministre n’est pas présente dans le débat national. Elle n’expose pas la ligne du gouvernement dans les journaux télévisés, ne débat pas face aux médias, ne répond pas aux interrogations citoyennes. Cette absence de pédagogie exécutive crée un vide communicationnel profond : les citoyens voient le pouvoir agir sans jamais comprendre la logique de ses décisions.

2. Le reportage n’est pas la communication publique
Les reportages et comptes rendus d’activités (inaugurations, cérémonies, activités politiques) ne créent pas l’adhésion.
Ils montrent l’action sans l’expliquer. L’image d’un ministre ou d’un gouverneur coupant un ruban ne suffit pas à convaincre l’opinion de la cohérence d’une politique. La communication publique congolaise reste visuelle, événementielle et narcissique, alors qu’elle devrait être argumentée, structurée et pédagogique. Cette confusion entre visibilité et crédibilité est une erreur fondamentale de gouvernance.
Ce qui suscite l’adhésion du citoyen, c’est la compréhension des enjeux, la cohérence du discours, la lisibilité des résultats et la perception de la redevabilité.

3. L’absence de transparence institutionnelle : un déficit de redevabilité
Une autre faiblesse majeure réside dans l’opacité des institutions et des services publics. La présidence, le gouvernement, le Parlement, la justice, les FARDC, les services de sécurité, les établissements publics et même les entreprises à participation publique ne publient jamais de rapports d’activités, ni de bilans de performance. Dans un État moderne, la communication d’État n’est pas un privilège, c’est un devoir de redevabilité envers le citoyen contribuable. La Sûreté de l’État belge, par exemple, publie chaque année un rapport public exposant ses priorités, ses activités et ses limites, sans compromettre la sécurité nationale. L’absence de culture de reddition de comptes nourrit la méfiance, renforce les rumeurs et laisse croire que le pouvoir agit dans l’ombre. Le citoyen, qui finance l’État par l’impôt, est empêché de savoir ce que devient sa contribution. Or, la démocratie n’est pas seulement l’expression du pouvoir, c’est aussi l’obligation de l’expliquer.

4. Le silence du débat public
La communication politique congolaise souffre d’un mutisme organisé face à la contradiction. Les responsables publics ne débattent ni entre eux, ni avec les journalistes, ni avec l’opposition. Les émissions interactives ou les confrontations argumentées sont rares.
Les médias, souvent fragiles économiquement, sont caporalisés : ils relaient les activités officielles moyennant paiement, sans analyse critique ni regard indépendant. De ce fait, le discours officiel se vide de contenu intellectuel, tandis que les critiques de l’opposition apparaissent plus crédibles, parce qu’elles sont construites, structurées, et se présentent comme rationnelles. Dans la perception populaire, le silence du pouvoir devient la preuve de sa culpabilité, tandis que la parole de l’opposant, même approximative, devient la voix du courage.

5. Une communication d’État figée dans la Deuxième République
Le modèle actuel de communication publique repose encore sur les réflexes de la Deuxième République :
centralisation, mise en scène, glorification des dirigeants, invisibilité des institutions. Ce modèle, jadis compatible avec un système à parti unique et des médias d’État, est incompatible avec le pluralisme médiatique et la société numérique. Aujourd’hui, les réseaux sociaux, les blogs, les plateformes citoyennes et la presse en ligne constituent un écosystème d’opinion mouvant, qui ne peut être conquis ni par des slogans, ni par des images cérémonielles. L’imposition d’un récit officiel sans débat n’engendre plus l’adhésion, elle provoque la défiance. La communication d’État doit donc muter et passer de la propagande à la pédagogie, de la centralisation à la coordination, de la visibilité individuelle à la crédibilité institutionnelle.

6. Pour une pédagogie nationale de l’action publique
L’action publique n’a de sens que si elle est comprise. Le Cabinet LECC recommande de repenser la communication d’État autour de trois axes structurants :

a. La pédagogie politique
Expliquer les politiques publiques, leurs coûts, leurs impacts et leurs finalités, en langage clair. Créer des formats courts et éducatifs sur les médias publics et privés. Faire de chaque ministère un centre de vulgarisation des réformes, à travers des porte-parole formés.

b. La redevabilité institutionnelle
Instaurer l’obligation pour toutes les institutions publiques, entreprises d’État et services stratégiques de publier un rapport annuel d’activités ou de performance, accessible au public. Ce principe doit être intégré à la culture administrative : communiquer, c’est rendre compte.

c. La pluralité du débat public
Accepter la contradiction.
Organiser des discussions publiques entre gouvernement et opposition sur les grandes orientations nationales. Valoriser les médias capables d’analyse critique et non de simple diffusion. La démocratie se nourrit du débat, pas du monologue.

7. L’accompagnement stratégique du Cabinet LECC
Le Cabinet LECC peut accompagner les institutions publiques, les ministères, les services publics et les acteurs politiques dans la modernisation de leur communication, à travers :
la formation des cadres politiques à la parole publique et à la rhétorique démocratique ;
la structuration des dispositifs de communication institutionnelle (discours, bilans, conférences de presse, storytelling public) ; la coordination des messages entre institutions pour restaurer la cohérence de la parole d’État ;

la conception de stratégies multimédias adaptées à l’ère du numérique et du pluralisme. L’approche du Cabinet LECC repose sur une conviction simple :
la communication d’État n’est pas un outil de domination, mais un instrument de compréhension mutuelle entre le pouvoir et le citoyen.

8. La parole d’État doit redevenir une parole de raison
L’État congolais ne manque pas de réalisations, mais il manque d’explications.Il ne suffit pas d’agir ; il faut faire comprendre. Il ne suffit pas de parler ; il faut dialoguer. Il ne suffit pas de montrer ; il faut rendre compte.

La démocratie n’est pas le règne du verbe, c’est le gouvernement de la parole partagée et du savoir public. L’adhésion citoyenne naît du sentiment que le pouvoir lui parle, non pour se glorifier, mais pour l’éclairer. C’est dans cette logique que le Cabinet LECC invite les institutions à refonder la communication d’État sur trois piliers :explication, redevabilité, et débat public.

Léon Engulu III Cabinet LECC –

[Léon Engulu III est philosophe, spécialiste en communication, major du Département Écriture Littérature Cinéma et Télévision de l’Université Libre de Bruxelles, Conseiller politique au ministère des Affaires étrangères, Conseiller pour les réformes institutionnelles au ministère de la Communication et des Médias, Coordonnateur a.i du Mécanisme National de Suivi chargé de la préparation des réformes en RDC.
Il a participé à plus de 150 débats télévisés]

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