Jean-Pierre Bemba rêve d’assembler des wagons, sans savoir où les faire rouler !

 Jean-Pierre Bemba rêve d’assembler des wagons, sans savoir où les faire rouler !

Le gouvernement congolais vient tout juste de lancer un appel international pour la création d’une usine nationale d’assemblage de trains, locomotives et wagons, avec deux sites envisagés : Matadi et Kalemie. Le coup porte la griffe de Jean Pierre Bemba Gombo, VPM des Transports et Voies de communication. Ce projet quelque peu ambitieux pourrait se révéler un tournant industriel majeur pour la RDC

En effet, l’initiative portée par Jean-Pierre Bemba, vice-premier ministre en charge des Transports, Voies de communication et du Désenclavement, prend forme à travers un appel à manifestation d’intérêt international qui a été lancé fin octobre 2025 pour identifier des partenaires techniques, industriels et financiers, pour le projet qui, lui, vise à construire, équiper, exploiter et maintenir une usine nationale capable de produire des trains, locomotives et wagons adaptés aux besoins du pays.

Deux sites stratégiques envisagés
Pour la matérialisation du projet, deux sites sont visés, notamment Matadi (Kongo Central) qui est une porte océanique du pays, facilitant l’import-export et la logistique maritime. Kalemie, chef-lieu de Tanganyika est également choisi en sa qualité de carrefour ferroviaire et fluvial, au cœur des échanges régionaux et transfrontaliers.

Un modèle de partenariat public-privé
Le projet s’inscrit dans une logique de PPP (partenariat public-privé) sur 25 à 30 ans, avec des engagements sur la modernisation du réseau ferroviaire et le transfert de compétences. Et il s’intègre dans la stratégie nationale d’industrialisation et d’intégration régionale, avec un accent sur la transformation du potentiel minier en richesse partagée.
Objectifs structurants
Le projet porté par le VPM Jean-Pierre Bemba a pour objectif, de relancer le secteur ferroviaire pour désenclaver les régions productives et améliorer la mobilité des biens et des personnes, créer des emplois qualifiés et renforcer les capacités locales en ingénierie ferroviaire et réduire la dépendance aux importations de matériel roulant, tout en adaptant les équipements aux réalités congolaises. Ce projet, selon des sources gouvernementales, pourrait devenir un pilier de la mémoire industrielle et logistique du pays, et s’inscrit parfaitement dans ta mission de documentation des pratiques locales et de normalisation technique.

Le manque d’un réseau ferroviaire adapté, un couac !
S’il est vraiment vrai que le projet d’usine d’assemblage ferroviaire fait déjà rêver les Congolais, il est aussi vrai qu’il arrive alors que le réseau ferroviaire congolais est fragmenté, vétuste et sous-exploité. Alors, il fallait éviter de placer la charrue avant les boeufs, en commençant par mettre en place une réforme structurelle du réseau. Parce que le réseau ferroviaire en RDC étant morcelé et non interconnecté, n’est pas digne d’un tel projet. Comme le démontre cet état des lieux :
– 5 033 km de voies ferrées, réparties en 4 réseaux distincts, sans interconnexion ni standardisation.
– Types d’écartement variés : – 1 067 mm (standard sud-africain) : majorité du réseau.
– 1 000 mm : tronçon Kisangani–Ubundu.
– 600 mm : nord-est agricole et aurifère.
– 858 km électrifiés : région minière du Haut-Katanga.

Les 4 grands axes ferroviaires
1. Matadi–Kinshasa : seul tronçon fonctionnel reliant le port maritime à la capitale.
2. Lubumbashi–Sakania–Zambie : axe minier stratégique, mais saturé et fragile.
3. Kisangani–Ubundu : pallie les chutes Stanley sur le fleuve Congo.
4. Kalemie–Kindu–Kananga : réseau central, en déclin, jadis vital pour les échanges Est-Ouest.
Un potentiel inexploité
– En 2024, seulement 233 000 tonnes de marchandises ont transité par rail, contre 2,9 millions de tonnes par route.
– Le rail transporte 12 fois moins que la route, malgré les avantages logistiques et écologiques.
– Le Haut-Katanga, pourtant cœur minier, souffre de routes saturées et d’un rail sous utilisé.
Des initiatives récente…, mais isolées
En 2024, le président Tshisekedi a lancé deux locomotives du Service National à Lubumbashi, pour desservir Kaniama Kasese. Mais ces efforts restent ponctuels, sans stratégie globale de réhabilitation, interconnexion ou standardisation.

Ce que cela implique pour l’usine
Eu égard à ce malheureux constat, il s’avère alors que sans réforme du réseau, l’usine en projet risque de produire du matériel incompatible ou inutilisé. D’où, il faudrait d’abord cartographier et standardiser les voies, planifier l’interconnexion des réseaux et former les opérateurs et moderniser les gares et ateliers. Comme quoi, l’on se trouve face à une contradiction de taille : “On assemble des wagons sans savoir où les faire rouler.”

Laurent BUADI

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