Goma et Bukavu : Pas facile d’être journaliste ou activiste des droits humains en zones occupées !

“Le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, et l’Alliance Fleuve Congo qui lui est alliée, ont menacé, placé en détention et attaqué des journalistes, des détracteurs et des activistes de la société civile depuis la prise de Goma en janvier”, c’est ce que révèle un rapport publié par Human Rights Watch qui pense que le rétablissement d’une certaine normalité dans les villes de Goma et de Bukavu, toutes deux occupées par le M23, exige de permettre aux journalistes et aux activistes de faire leur travail sans menaces, violences ou pire.
Des témoignages sur ces dérapages ont été enregistrés lors du Forum des Médias sur la paix et la cohésion nationale organisé le 10 mars dernier par Journaliste en danger -JED.
Human Rights Watch indique que le groupe armé M23 soutenu par le Rwanda, ainsi que l’Alliance Fleuve Congo (AFC) a menacé, placé en détention et attaqué des journalistes, des détracteurs et des activistes de la société civile depuis la prise de Goma dans l’Est de la RDC, à la fin du mois de janvier 2025.
Dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, les combattants du M23 ont fait des descentes dans des maisons et proféré des menaces de mort et de représailles, sapant le travail des médias indépendants et d’organisations de la société civile. Les combattants du M23 ont également placé en détention des leaders de la société civile et commis des exécutions sommaires, notamment le meurtre d’un chanteur qui était aussi activiste à son domicile et de cinq hommes soumis à du travail forcé, note le rapport dénonçant le fait que le M23, soutenu par le Rwanda, harcèle et attaque des activistes, des journalistes et des détracteurs pacifiques dans les zones qu’il contrôle à l’est de la RD Congo.
«Le rétablissement d’une certaine normalité dans les villes de Goma et de Bukavu, toutes deux contrôlées par le M23, exige de permettre aux journalistes et aux activistes de la société civile de faire leur travail sans menaces, violences ou pire.», dit le rapport de Human Rights Watch après avoir mené des entretiens avec plus d’une vingtaine d’activistes congolais et de journalistes nationaux et étrangers dans les villes de Goma, Kinshasa et Bujumbura, et examiné des enregistrements audio d’appels téléphoniques, des captures d’écran de messages et des enregistrements vidéo et audio de discours prononcés par des responsables de l’AFC et du M23.
En outre, il s’avère que Human Rights Watch a reçu des informations crédibles indiquant que plus de 200 activistes ont fait des demandes de protection depuis que le M23 a lancé son offensive sur Goma en janvier puis a pris la capitale provinciale du Sud-Kivu, Bukavu, en février.
“Les autorités du M23 et de l’AFC ainsi que le gouvernement rwandais sont tenus de respecter le droit international humanitaire dans les zones qu’ils occupent. Ils devraient permettre aux activistes de la société civile et aux journalistes de travailler et de se déplacer librement, sauf pour des raisons impérieuses de sécurité, et faire rendre des comptes à leurs membres responsables d’abus”, préconise Human Rights Watch qui a transmis par courrier électronique le 5 mars 2025, ses conclusions préliminaires aux autorités rwandaises pour solliciter une réponse, mais n’a reçu aucun retour au moment de la publication du présent rapport.
Des cas flagrants qui font frémir…
Un habitant de Goma a raconté qu’un groupe de combattants du M23 est venu à son domicile le 29 janvier et l’a accusé d’avoir aidé leurs ennemis à tuer leurs «amis» sur la ligne de front. «Ils m’ont frappé le dos à coups de bâtons toute la journée», a-t-il expliqué. «Je ne peux plus marcher. Ils m’ont battu, m’ont agressé et ont pillé ma maison.»
Le 13 février, des combattants du M23 ont abattu le chanteur et activiste Delphin Katembo Vinywasiki, connu sous le nom de Delcat Idengo, à son domicile, apparemment dans une situation de non-combat. Le 20 février, le porte-parole de l’AFC, Lawrence Kanyuka, a accusé Delcat Idengo d’être membre du mouvement de jeunes Lutte pour le Changement (LUCHA), et a déclaré à Human Rights Watch que les combattants du M23 l’avaient tué parce qu’il portait des «insignes militaires». Lors d’un autre incident, une source indépendante a rapporté que des combattants du M23 ont exécuté sommairement un activiste de la LUCHA ainsi que quatre autres hommes, après qu’ils ont effectué du travail forcé pour le groupe armé.
“Le M23 a depuis longtemps fait recours à des menaces et à l’intimidation pour restreindre l’accès de la population à l’information et étouffer les voix critiques. Les journalistes ont déjà rencontré des difficultés pour rendre compte de la situation à Goma”, souligne HRW.
Laurent BUADI