Artiste-musicien de talent et grand sapeur devant l’Eternel, Papa Wemba est mort sur la scène du festival de musique d’Anumabo, FEMUA, à Abidjan pendant qu’il se produisait avec son orchestre au petit matin du 24 avril 2016.
Sa mort avait crée l’émoi dans l’opinion en général, au niveau de son pays, la RDC, et des mélomanes du monde entier avides de sa musique. Des obsèques dignes de son rang ont été organisées par le Gouvernement de la République et sa dépouille décorée à titre posthume. À la faveur de ce triste évenement, les officiels avaient promis de réaliser plusieurs oeuvres en mémoire de l’illustre disparu, dont entre un musée, un monument à la Place des artistes… De toutes ces promesses, rien n’est réalisé et tout laisse penser que le Bakala Diakuba est sorti des mémoires des décideurs. En ce moment où ses fans disséminés à travers le monde se souviennent de lui, avec des concerts prévus partout, à l’instar de la production des Bana Viva ce mardi 25 avril sur l’ex-couloir Madiakoko, nous rappelons au bon souvenir des décideurs pour que la mémoire de 100% Star reste intacte. Chapeau bas à l’Honorable Thomas Luhaka Losendjola qui s’est souvenu de cet artiste aux qualités rares en lui rendant un hommage mérité que nous publions avec son aimable autorisation…
Laurent BUADI
C’ÉTAIT PAPA WEMBA !
Voici l’histoire de l’un des plus grands artistes-musiciens de la RDC et de l’Afrique.
Jules Shungu Wembadio dit » Papa Wemba » et la création de Zaiko Langa-Langa !
Ce fils d’un ancien combattant de la seconde guerre mondiale, et jeune servant de messe à la Paroisse Saint-Joseph de Kalamu, va participer à la création des quatres orchestres qui vont marquer l’histoire de la musique congolaise : Zaiko Langa-langa, Isifi-Lokole, Yoka-Lokole et Viva la Musica !
Artiste-musicien et acteur de cinéma, Papa Wemba va impacter la vie des millions des jeunes congolais et étrangers !
Épisode 1: La création de Zaiko Langa-langa.
Jules Shungu, fils de Jules Kekumba
1. Issu du mariage de Jules Kekumba, un ancien militaire de la Force Publique (l’armée coloniale) qui a participé aux batailles de la seconde guerre mondiale en Ethiopie ( Assossa, Gambela, Saio) et de Marie Nyondo, Jules Shungu Wembadio est né le 14 juin 1949 à Lubefu dans l’actuelle province du Sankuru.
Alors qu’il n’est encore qu’un enfant, les parents du petit Jules décident de venir s’établir à Léopoldville. Dans un premier temps, ils s’installent dans le camp Cito (aujourd’hui camp Kauka) avant de venir au 42 A de l’avenue Kanda-kanda dans le quartier Renkin (aujourd’hui quartier Matonge).
Jules Shungu rêve de devenir prêtre catholique
2. Son papa militaire souhaite fortement faire de son fils Jules un avocat ou un journaliste, mais l’intéressé est plutôt attiré dans un premier temps par la prêtrise. C’est ainsi que très jeune, il devient acolyte c’est à dire servant de messe à la Paroisse Saint-Joseph de Matonge. Il deviendra ensuite choriste dans la même paroisse où il découvre sa vraie passion pour la musique.
Passion qu’il a hérité de sa mère qui est une pleureuse professionnelle; et celle-ci l’amène régulièrement dans ses activités qui consistent à animer, avec des chants, les veillées mortuaires dans la communauté tetela.
Orphelin de père
3. Il fait son école primaire à Saint-Jean Berckmans, aujourd’hui EP I Kauka, où il fait la connaissance d’un jeune qui deviendra plus tard le très populaire Abbé Koko.
En 1966, Jules Kekumba quitte la terre des hommes et sera enterré au cimetière de Kasa-Vubu en face de l’usine des pains » Mama Poto « . Ce qui va permettre au jeune Jules de s’adonner un peu plus librement à sa passion: la musique.
Jules Shungu et Gaby Lita, musiciens de Stukas Boys
4. En ce qui concerne la musique dite » profane « , Jules Shungu Wembadio commence à chanter, avec son ami Toussaint Gaby Lita Bembo dans un petit orchestre du quartier Immo-Congo, appartenant à des enfants des réfugiés angolais installés à Kinshasa, » Les Stukas Boys « . Parmi ces réfugiés, il y avait les enfants du président du Front National de Libération de l’Angola (FNLA) Roberto Holden. Jules Shungu va prester dans cet orchestre durant trois mois seulement.
Son ami Gaby Lita, dont le père monsieur Lita, ancien enseignant de Pascal Tabu à l’école primaire dans les années 1950, était devenu commissaire de district au katanga, va récupérer le nom de ce groupe pour faire son » Stukas Ley » sous l’encadrement de Mama Théthé, l’épouse de Tabu Ley. Après, Gaby Lita va s’autonomiser de cette tutelle de la famille Ley et faire son » Stukas » tout court.
Le rendez-vous avec son destin
5. Un jour, le jeune Wembadio accompagne l’un des ses amis rendre visite à sa tante sur l’avenue Popokabaka du côté Kasa-Vubu. On est en 1969.
Resté seul dans la cour, en attendant son ami qui était entré dans la maison, Jules Shungu entend des voix provenant de derrière la maison. Poussé par la curiosité, il tourne derrière la maison où il trouve un groupe des jeunes qui répètent.
Ayant remarqué l’intérêt manifeste du jeune curieux pour la musique, ils vont demander à Jules s’il s’y connaissait en musique. Le jeune Wembadio leur répondit qu’il s’essayait au chant. Ils lui demandent alors de chanter quelque chose pour eux. Wembadio va interpréter la chanson » Adios Théthé » de Tabu Ley. Éblouis par la qualité de la voix et l’aisance de la prestation, ces auditeurs vont juste lui demander son nom et son adresse.
DV Moanda recrute Jules Shungu
6. Le lendemain de cette rencontre, on apprend à Jules, chez eux à la maison, qu’un garçon le cherche dehors. Il sort pour écouter son visiteur surprise. Ce jeune homme va lui dire trois choses :
1° Je m’appelle DV Moanda (son vrai nom c’est Vital Di-Vita Moanda) et je suis membre de l’orchestre que tu as vu répéter hier.
2° Après ta prestation d’hier et ton départ, nous avons décidé de dissoudre cet orchestre (qui s’appelait Bel-guide National).
3° Je te propose, si tu veux bien, de venir avec moi pour créer un nouvel orchestre.
Jules Shungu, qui se faisait déjà appeler » Jules Presley « , accepte la proposition et suit son nouveau compagnon jusqu’au lieu de la répétition d’hier.
La rencontre avec Jossart Nyoka Longo
7. Et là, Jules Shungu découvre que DV Moanda et ses amis ont chassé tous les musiciens qu’il avait vu hier sauf un guitariste : Felix Manuaku Waku dit Pépé Felly.
Deux jours après cette prise de contact, un ancien chanteur de l’orchestre dissout Bel-guide et qui sera maintenu dans le nouvel orchestre va les rejoindre. Il s’appelle José Nyoka Mvula plus connu sous le nom de Jossart Nyoka Longo.
Une petite explication à propos de ce nom. Jossart vient de la contraction de la phrase » JOSé Sera ARTiste » que lui répétait régulièrement un vieux de son quartier à Kimbanseke. Longo était le nom de sa grande sœur, Albertine Longo, qui mourra en 1973 à l’âge de 22 ans. En hommage à sa sœur et aussi par souci de pérenniser son souvenir, José Nyoka va récupérer son nom et l’ajouter au sien. C’est ainsi qu’il est devenu Jossart Nyoka Longo.
La création de Zaiko Langa-Langa
8. Ces trois musiciens (Jules Shungu Wembadio, Felix Manuaku, Jossart Nyoka Longo) et les administrateurs de l’ancien Bel-guide (DV Moanda, Henry Mongombe, André Bita, Marcellin Delo) créent le 24 décembre 1969 un orchestre qu’ils dénomment Zaiko (qui signifie Zaïre ya Bakoko, le Zaïre des ancêtres) Langa-langa ( proposition de Jules Shungu, Langa-langa est une plante qui pousse facilement et qui donne une espèce de patate douce ).
A ce noyau des fondateurs vont s’ajouter d’autres musiciens pour compléter l’équipe. Il s’agit de :Teddy Sukami, Enoch Zamuangana, Zéphirin Matima, Damien Ndebo, Pierre Muaka Oncle Bapius, Baudouin Mitshio et Ephraïm.
9. Ainsi est créé, par un groupe de très jeunes musiciens (Jules Shungu 20 ans, Felly Manuaku 15 ans {né le 19 août 1954}, et Jossart Nyoka Longo 16 ans {né le 7 septembre 1953}), l’un des orchestres les plus mythiques de la musique congolaise moderne. Seul orchestre qui est resté, avec ses hauts et ses bas, presque de manière continue au devant de la scène musicale congolaise et africaine depuis plus de 53 ans !
La révolution musicale de Zaiko Langa-Langa
10. Cet orchestre va révolutionner la musique congolaise en y apportant trois innovations majeures. Premièrement, ils décident de supprimer tous les instruments à vent qui colonisaient la musique congolaise (trompette, saxophone. . . ). Deuxièmement, ils vont mettre en avant la batterie (drums). Et, troisièmement, ils vont décider d’accélérer le tempo de leur musique; ce qui donnera naissance à ce qu’on appelle aujourd’hui le » Ngwasuma « .
Avec ces innovations, Zaiko Langa-langa va connaître un succès foudroyant ! Et le satellite Jules Shungu Wembadio est mis sur orbite !
A suivre !
Par Thomas Luhaka Losendjola.