Selon un rapport de l’Union africaine: Les flux financiers illicites font saigner l’Afrique à blanc

Dans un rapport rendu public par l’Union africaine, chaque année, des dizaines de milliards s’évaporent du continent. Le document tire la sonnette d’alarme, révélant la fragilité des États face à la mondialisation.
L’Union africaine tente, depuis des années, de coordonner la lutte contre les flux financiers illicites, estimés à plus de 88 milliards de dollars par an.
Un montant qui disparaissent chaque année du continent africain, engloutis par les flux financiers illicites (FFI).
88 milliards échappent au budget annuel de 900 à 1 200 milliards USD
Ce constat glaçant dressé par le dernier rapport de l’Union africaine (UA) alerte sur un phénomène ancien, mais qui prend une ampleur préoccupante.
Derrière ces chiffres, ce sont des budgets de santé, d’éducation et d’infrastructures qui s’évaporent, hypothéquant les chances de développement d’un continent où les besoins de financement sont estimés entre 900 et 1 300 milliards de dollars par an.
Des États déjà fragiles avec un spectre large à pénétrer
Le rapport precise que les flux financiers illicites recouvrent un spectre large : évasion fiscale, blanchiment d’argent, transferts illégaux de capitaux, corruption, manipulation des prix de transfert ou encore exportations sous-déclarées. Le commerce international en représente près des deux tiers, via des facturations erronées de services, des prix artificiellement abaissés pour les matières premières ou des contrats léonins dans le secteur extractif. Résultat : des États déjà fragiles se privent de recettes fiscales colossales.
« L’Afrique perd chaque année davantage à cause des flux financiers illicites qu’elle ne reçoit en aide publique au développement », déplore un économiste de la Commission de l’UA.
Institutions fragiles, coordination défaillante
Pourtant, depuis le premier rapport du Groupe de haut niveau de l’UA sur le sujet en 2015, des progrès avaient été annoncés : création d’unités de renseignement financier, bases de données sur les bénéficiaires effectifs et cellules fiscales spécialisées. Mais la réalité est moins flatteuse. Faute de coopération entre États, de cadre juridique robuste et de sanctions effectives, ces structures se révèlent peu efficaces.
« Même dans les pays dotés de contrôles bancaires stricts, les failles persistent », souligne le rapport, citant l’Éthiopie ou la Tunisie, où les circuits informels contournent les institutions. Les banques restent les principaux facilitateurs de ces flux, mais les institutions de microfinance ou les fintechs, peu régulées, deviennent aussi des vecteurs.
Autre facteur aggravant : le contexte international
La guerre en Ukraine, la hausse des dettes extérieures, la dépendance accrue aux matières premières et le changement climatique détournent les priorités budgétaires. Le contrôle fiscal et douanier passe souvent au second plan, laissant prospérer l’économie parallèle. Résultat : les flux financiers illicites ont augmenté de 76 % en dix ans.
1,5 milliard d’habitants en croissance rapide privés de ressources vitales
Le rapport de l’Union africaine souligne que le manque à gagner se chiffre en dizaines de milliards de dollars, mais son impact est surtout social. Chaque dollar perdu en fraude ou en corruption est un dollar en moins pour construire des écoles, des hôpitaux ou des routes. L’Union africaine estime que le continent est privé de ressources vitales au moment même où sa population, 1,5 milliard d’habitants aujourd’hui, connaît une croissance rapide.
« Les flux financiers illicites représentent une hémorragie silencieuse qui condamne nos pays à la dépendance », résume un haut fonctionnaire ouest-africain, rappelant que l’Afrique doit investir plus de 220 milliards de dollars par an dans les infrastructures et 230 milliards dans l’adaptation au changement climatique.
Les sorties massives de capitaux au cœur du problème
Au-delà du constat, le rapport exhorte les gouvernements à adopter une « réponse africaine coordonnée », en cessant de s’aligner uniquement sur les standards dictés par les bailleurs internationaux, davantage axés sur le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Pour l’UA, l’urgence est d’attaquer le cœur du problème : les sorties massives de capitaux par le commerce international et les industries extractives.
Des recommandations sur la table
Vingt recommandations sont sur la table, allant du renforcement de la coopération interinstitutionnelle au développement de bases de données transparentes sur les entreprises. Reste à savoir si les États, souvent eux-mêmes traversés par des intérêts contradictoires et des élites bénéficiaires de ces flux, auront la volonté politique de mettre en œuvre ces réformes.
*Gel Boumbe*
