La Tragédie Constant (Petite leçon de rhétorique dun professeur de philosophie aux juristes congolais)

Imaginez la scène, Monsieur le Ministre, du haut de sa tribune, brandit l’épée de la justice. Sa voix, tonitruante telle une hyperbole amplifiante résonne dans les couloirs du pouvoir. Il est l’incarnateur de la vertu, le fléau des corrompus, le rempart inébranlable contre la rapacité. Par une anaphore percutante, il martèle : « Plus jamais de détournements ! Plus jamais d’impunité ! Que le Procureur agisse, qu’il frappe, qu’il pourchasse ces vautours qui pillent la nation ! ». Par un syllogisme inversé il poursuit : les détourneurs sont mauvais, je les dénonce, donc je suis bon !

Mais voilà que le rideau se lève sur un acte inattendu. Le voici, ce même Ministre, soudainement transfiguré en cible. Lui qui était le chasseur, métaphore du justicier, devient la proie. Le Procureur général, hier encore sous la litote de lexécuteur des injonctions ministérielle les redirige à présent vers le Garde des Sceaux ! C’est l’arroseur arrosé qui par catachrèse, est victime de ses propres actions

Le paradoxe est cuisant, un oxymore vivant : le juge accusé, le purificateur souillé. Ses paroles d’hier, ses anathèmes contre la corruption, résonnent désormais comme un écho moqueur, personnification des mots qui se retournent contre lui. Son discours enflammé, métaphore de l’intensité de ses propos, se consume aujourd’hui sous les braises d’une enquête filant la métaphore. Il a brandi le glaive de la justice, et ce même glaive, dans une ironie dramatique, semble maintenant se retourner contre lui, prêt à lui transpercer son armure d’intégrité en papier mâché, quelle belle métaphore de la fragilité dune réputation !

Cette situation est une allégorie de la chute des idoles, un rappel cinglant que l’habit ne fait pas le moine, et que la rhétorique enflammée n’est pas toujours synonyme de vertu inébranlable. Le pharisien, allusion biblique à l’hypocrite, se voit démasqué, et son piédestal s’effrite sous le poids de ses propres contradictions. C’est une tragédie comique, où le principal acteur, après avoir joué le rôle du héros incorruptible, se retrouve lui-même au banc des accusés, publiquement mis en cause.

Léon ENGULU III

(Avec présomption d’innocence)