Monsieur l’Ambassadeur Barnabé Kikaya Bin Karubi : une propédeutique géopolitique vous aurait épargné cette concaténation tendancieuse. Après avoir déposé en bonne et due forme une plainte pour diffamation et dénonciation calomnieuse à la Cour d’Appel de Kinshasa/Gombe dans l’affaire des cartes bancaires connectées au compte du trésor, j’avais été surpris de vous voir prendre la poudre d’escampette dans une fourgonnette de livraison des boissons alcooliques de fabrication angolaise, avant même le début de l’instruction de votre plainte.
Je commençais, en effet, à m’habituer à vos saillies politiques qui contrastaient malheureusement avec les circonlocutions mesurées du diplomatique de haut rang que vous aviez été par le passé. Dommage que je sois obligé de réagir à distance à votre missive envoyée ostentatoirement au Président de la République Démocratique du Congo.
L’avantage que vous et moi avons est de ne pas être liés par des fonctions étatiques, et donc d’avoir la parole libre, reflétant les convictions politiques chevillées dans notre for intérieur.
Vous avez fait le choix de vous mettre au service d’une famille dont vous n’avez pas manqué de citer quelques membres dans votre document, de peur de vous voir couper les vivres dans la périlleuse pérégrination qui est la vôtre. Quant à nous, droit dans nos bottes, nous avons gardé le même panache dans la défense des intérêts vitaux de la République et de ses institutions.
Ma lecture attentionnée de votre texte renseigne que vous n’avez pas encore fait le deuil de l’attelage FCC-CACH que vous vantez comme « la première cohabitation démocratique post-alternance », tout en étant conscient d’innombrables peaux de bananes que notre ancienne famille politique commune, le FCC, prenait plaisir à placer sur les initiatives présidentielles favorables au peuple, dans le but de vouer au gémonies le magistère du Président de la République, et de l’empêcher ainsi de rempiler après son premier mandat constitutionnel. Je puis gager que si la coalition FCC-CACH n’avait pas rendu l’âme, jamais le budget national ne serait multiplié par trois en un temps record, et le pays n’en serait surtout pas à mettre en œuvre le Programme de Développement Local de l’ensemble de nos 145 Territoires.
Au demeurant, si j’ai tenu à vous réserver cette répartie républicaine, c’est d’abord parce que vous faites semblant d’ignorer les causes profondes de la guerre par procuration que nous mène le Rwanda, factotum attitré d’un quarteron de requins de la haute finance internationale qui ont toujours considéré le Congo comme un bien sans maître dont les vrais propriétaires seraient leurs ascendants réunis au Palais Radziwill de Berlin, autour de l’alors chancelier allemand Otto Von Bismarck, entre novembre 1884 et février 1885.
Nous autres lumumbistes avons l’habitude de rappeler à nos compatriotes les vrais commanditaires de la « balkanisation » de la RDC que le héros national était le premier à évoquer en 1960. Il ne s’agit nullement du minuscule Rwanda ou de son succédané M23 qui ne servent que des têtes de pont aux marionnettistes très bien identifiés par notre peuple. La guerre d’agression et d’usure à l’Est du pays ne peut donc pas être la conséquence d’une entourloupe manquée entre le Président Tshisekedi et le M23 comme vous avez eu à l’insinuer, non sans malice.
Dois-je par la même occasion vous rappeler que le démantèlement du M23 en 2013 – que le Président de la République a eu la gentillesse de mettre à l’actif de son prédécesseur – avait pourtant été obtenu de haute lutte diplomatique qui culmina dans la signature d’un accord cadre à Addis-Abeba ? Est-ce le Président Tshisekedi qui avait mis en place le mécanisme de suivi de cet accord cadre dont les bureaux du Coordonnateur sont encore situés à ce jour sur l’avenue de la justice, en diagonal de la maison communale de la Gombe ? Comment un proche collaborateur de l’ancien Chef de l’État peut-il s’indigner outre mesure que le Président Tshisekedi ait voulu donner suite à cet accord cadre conformément au principe de la continuité de l’État ? Sériez vous frappé d’amnésie au point de perdre de vue l’abécédaire de la géopolitique de la région des grands lacs ces trente dernières années ?
D’autre part, j’ai noté que vous vous êtes réservé le droit de ne pas répondre à l’appel à la mobilisation et à la vigilance tous azimuts lancé par le Chef de l’État dans sa dernière adresse à la nation. Libre au fugitif en cavale dépouillé, le temps de l’errance, du nationalisme qu’on lui reconnaissait ! Néanmoins, vous devriez retenir que la seule parole qu’un Chef de l’État doit s’engager à tenir est celle du contrat social qui le lie au peuple. Et ce n’est pas « livrer à la vindicte populaire » qui que ce soit, lorsqu’un Président de la République rappelle que le salut du peuple est la loi suprême (salus populi suprema lex). Voilà pourquoi au pays, tous les patriotes sont d’accord avec le match de la mobilisation nationale contre les agresseurs, le ballon étant dans le camp de la patrie.
Jean Thierry Monsenepwo Mototo
Lumumbiste engagé