Kinshasa : quand chaque goutte de pluie révèle l’échec urbain

 Kinshasa : quand chaque goutte de pluie révèle l’échec urbain

À chaque saison de pluies, la capitale congolaise devient méconnaissable : inondations, routes effondrées, quartiers sinistrés. Mais ces catastrophes ne sont pas que climatiques. Elles sont surtout le fruit d’une gestion urbaine hasardeuse, d’une urbanisation incontrôlée et d’une absence criante de planification. Enquête sur les causes profondes d’une dégradation qui n’a rien d’inévitable.

Des pluies devenues synonymes de chaos
Il suffit de quelques heures de pluie pour paralyser Kinshasa. À Makala, des familles pataugent dans leurs salons. À Lemba, des glissements de terrain emportent les murs. À Ngaliema, des avenues goudronnées s’effondrent, cédant la place à des ravins. Les Kinois, résignés, n’attendent plus de secours. Chaque saison pluvieuse rouvre les plaies d’une ville qui semble sans défense.

Une urbanisation sauvage, hors de contrôle
Kinshasa accueille chaque année des dizaines de milliers de nouveaux habitants. Faute de logements accessibles et encadrés, beaucoup s’installent là où la terre est encore disponible : dans les ravins, sur les collines instables ou à proximité des cours d’eau. Les constructions y poussent sans autorisation, sans fondations solides, et souvent sans égouts. Ce phénomène d’urbanisation anarchique accentue la vulnérabilité de la ville face aux pluies.

Des infrastructures obsolètes ou inexistantes
Le réseau de drainage de Kinshasa est un héritage du passé, largement dépassé par la croissance urbaine. Pire, dans plusieurs quartiers périphériques, il est tout simplement absent. Les caniveaux sont bouchés par les déchets et rarement entretenus. L’eau de pluie, sans échappatoire, stagne, s’infiltre ou ruisselle violemment en surface, créant des torrents destructeurs.

L’insalubrité, un fléau qui bouche la ville
Chaque jour, la ville produit des tonnes de déchets solides. Faute d’un système de gestion efficace, ces déchets finissent dans les rues, les rivières ou les égouts. À la moindre pluie, ils bloquent les passages d’eau, accélèrent les inondations et polluent les rares sources d’eau potable. La sensibilisation reste faible, et la responsabilité partagée entre citoyens négligents et services publics absents.

Un déficit criant de gouvernance
La multiplicité des institutions chargées de la gestion urbaine (Hôtel de Ville, ministères, communes) crée une confusion et une paralysie administrative. Les projets de lutte contre les inondations ou de réhabilitation des routes sont souvent annoncés mais rarement finalisés. Corruption, manque de coordination, budgets détournés ou mal utilisés : les blocages sont multiples.

Les plus pauvres, premières victimes
Ce sont les ménages les plus précaires qui paient le prix fort. Habitant dans des zones à risques, ils perdent tout à chaque averse. Sans accès aux assurances, sans aide d’urgence, ils reconstruisent seuls, dans l’attente de la prochaine catastrophe. Une spirale de pauvreté alimentée par l’abandon.

Vers quelle solution ?
Kinshasa a besoin d’une refondation urbaine. Cela passe par :

  • une planification rigoureuse et respectée du territoire,
  • la modernisation des infrastructures de drainage,
  • une politique active de gestion des déchets,
  • l’éducation civique des habitants,
  • et surtout, une volonté politique ferme, transparente et coordonnée.

La pluie ne doit plus être perçue comme un malheur, mais comme un test. Et pour l’instant, la capitale congolaise échoue. Mais il n’est pas trop tard pour inverser la tendance.

Par Christian TANDU
Ingénieur BTP

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