DIPLOMATIE DE TRUMP: Un accord à haut risque pour la RD Congo

 DIPLOMATIE DE TRUMP: Un accord à haut risque pour la RD Congo

Alors que la République démocratique du Congo (RDC) cherche à rétablir sa souveraineté sur les provinces de l’Est et consolider la paix sur son flanc oriental, le récent accord bilatéral signé le 27 juin 2025 avec le Rwanda, sous médiation américaine, interroge. Cet accord porte la marque du trumpisme diplomatique : une approche bilatérale, transactionnelle, court-termiste et focalisée sur l’effet d’annonce, qui s’accommode mal des réalités complexes des conflits africains.

La diplomatie de Donald Trump s’est construite sur une psychologie façonnée par sa carrière d’homme d’affaires : négocier en écrasant le débiteur, en maximisant l’avantage immédiat, et en laissant de côté la morale et le droit. Dans cette vision, la diplomatie n’est pas un processus d’équilibrage, mais un rapport de force permanent, où seul compte le « deal » rapide et spectaculaire. Les institutions multilatérales, telles que l’Union africaine, la SADC, la CIRGL ou la MONUSCO, sont perçues comme trop lentes, trop coûteuses, trop compliquées. Il s’agit de les contourner, au profit d’arrangements bilatéraux, conclus au plus haut niveau, et valorisés médiatiquement comme des victoires. Or cette méthode, appliquée à la région des Grands Lacs, présente des dangers considérables. L’accord du 27 juin 2025, par exemple, prévoit l’intégration « au cas par cas » de combattants du M23, un mouvement armé à l’origine de violences massives faisant l’objet d’une enquête de la CPI. Ce choix entre en contradiction frontale avec toutes les résolutions pertinentes des Nations unies, à partir de la 2098 (2013) et notamment la 2773 (2023), qui interdisent la récompense aux actions rebelles et exigent un désarmement préalable. En ignorant ces résolutions, mais aussi l’Accord-cadre d’Addis-Abeba (2013), la diplomatie trumpienne légitime de fait la prime à la violence, encourage de nouvelles rébellions, et marginalise la société civile congolaise qui attend réparation et justice. L’Accord du 27 juin 2025, tactiquement bienvenu pour réfréner les ardeurs belliqueuses, mais mal négocié sous la férule pressante de Donald Trump et l’inexpérience africaine de Marco Rubio, ne tiendra que la durée de son mandat s’il n’est pas reconsidéré et intégré comme jalon dans le cadre multilatéral largement consensuel de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba. Cette approche bilatérale avantage le Rwanda, dont le soutien au M23 est documenté par toutes les organisations internationales, en validant cette milice supplétive comme acteur politique, sans exiger de reddition claire, et protège Kigali d’éventuelles mises en cause pour son soutien militaire à ce groupe composé de combattants étrangers. L’intégration ‘’au cas par cas’’ d’éléments d’une milice comptant des dizaines de milliers de supplétifs étrangers revient à une infiltration massive de l’armée et de la police. Cette intégration, qui atteindrait quelques milliers d’éléments, ruinerait définitivement le principe de non payement de la prime à la violence, fragilisant davantage l’État congolais et son armée en reconstruction, isolé de ses partenaires régionaux et privé de leviers multilatéraux pour garantir une paix durable. Ce point étonne d’autant plus que sous la Présidence de Félix Tshisekedi le gouvernement congolais a rejeté à plusieurs reprises l’hypothèse d’une intégration d’éléments issus de milices, en fustigeant régulièrement l’accord infiltrant du 23 mars 2009 conclus avec le CNDP, source des reprises incessantes des milices supplétives rwandaises dans l’Est de la RDC. L’Afrique centrale mérite mieux qu’une diplomatie de transactions improvisées. Ses conflits sont profonds, mêlant haines, ressources et rivalités régionales. Ils ne peuvent pas être réglés comme la vente d’un casino à Atlantic City. Une paix juste et durable exige un cadre multilatéral solide, qui associe les instances régionales, respecte le droit international et protège avant tout les populations civiles. La République démocratique du Congo devrait s’inquiéter d’être le terrain d’expérimentation d’une diplomatie bilatérale à la Trump : une diplomatie à la hussarde, de l’effet d’annonce, de la négligence des engagements internationaux, marginalisant les partenaires multilatéraux, réduisant à peu de chose la portée des accords précédents, patiemment élaborés. Aujourd’hui plus que jamais, le multilatéralisme, la cohérence juridique et le respect des architectures de paix construites dans le temps long par la communauté diplomatique mondiale, restent la seule voie crédible pour bâtir une paix réelle et durable dans la région des Grands Lacs.

Léon ENGULU III
Philosophe et ingénieur,
Ancien Coordonnateur a.i du
Mécanisme National de Suivi,
Spécialiste des réformes institutionnelles
et des relations internationales

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