Si ma tête dérange, faites-moi partir…!”. Cette phrase qui a tout d’un coup de guele est signé José Makila Sumanda, Président du Conseil d’Administration de Société congolaise des transports et des ports -SCTP- ayant opté pour une éventuelle suspension plutôt que rester silencieux devant une situation peu enviable que traverse la société. Il l’a balancé à la ministre du Portefeuille Adèle Kayinda le lundi 5 juillet 2021 à la faveur de la réunion présidée par cette dernière et à laquelle il participait.
Le PCA Makila en était arrivé à ce niveau parce qu’il avait semblé être incompris après avoir décrit dans de termes à la limite de l’insupportable, les problèmes auxquels se trouvent confrontée la Société congolaise des transports et des ports au point de plomber sa bonne marche tout en mettant en péril son développement. Avec comme point de chute la multiplication anarchique des ports privés qui font du coup, la concurrence déloyale à la SCTP.
Makila qui est connu pour ne pas avoir la langue de bois, s’insurgeait ainsi contre l’indifférence notoire et coupable affichée par l’État-propriétaire de l’entreprise à l’égard de la misère des travailleurs dont la plupart, ne pouvant plus tenir le coup, ont perdu la vie suite à l’impaiement de plusieurs mois et années de salaire accumulés. D’autres ont vu leur stabilité sociale mise à rude épreuve au point de se retrouver dans la rue faute de loyers perdu pour non respect de contrats de bail, d’autres ont vu leurs foyers se disloquer parce que les conjointes ne pouvant plus supporter une vie proche de la misère. Une situation que Makila n’arrive pas à s’expliquer dès lors que l’État, débiteur de plus de 200 millions vis-à-vis de la société, se montre peu soucieux de trouver de solution auXmas problèmes de cette société de transport qui a jadis contribué énormément sur l’économie nationale.
C’est fort de ce constat malheureux que José MAKILA Sumanda n’est pas allé par quatre chemins pour avouer être disposé à accepter sa révocation si sa tête constituait un obstacle à la liquidation de cette dette.
Pour rappel, cette rencontre était organisée en vue d’examiner en profondeur la situation qui qui mine la société sur fond d’un préavis de grève brandi par la délégation syndicale.
Au moment où les cadres et travailleurs de la SCTP croyaient qu’un vent favorable allait balayer le ciel sombre au dessus de leur société avec la prise en compte des préoccupations soulévés par le PCA pour décanter la situation, c’est plutôt le contraire qui se produit avec la suspension de Makila et du comité de gestion de l’entreprise.
Pour plus d’un observateur, il est curieux de voir ce qui se passe actuellement au pays avec autant des décisions expéditives, relevant de leurs fonctions, les mandataires des entreprises publiques par les autorités politiques et cela devient inquiétant, disent-ils, quand on sait que dans ce pays, une décision provisoire peut cacher en filigrane une décision définitive.
“On serait en droit de s’interroger sur la précipitation avec laquelle ces mesures de suspension en cascade ont été prises, souvent en violation des textes réglementaires qui régissent le fonctionnement des entreprises du portefeuille de l’État”, murmurent-ils. Parce que, non seulement les mandataires suspendus n’ont jamais été notifiés sur les griefs retenus à leur charge, sur base d’un procès-verbal établi par l’organe de contrôle attitré après enquête, suivie d’un débat contradictoire avec les mandataires concernés comme c’est la règle dans tout État de droit, tel que le recommande le Président de la République, mais les victimes n’ont pas eu l’occasion d’être entendus en vue d’exposer leurs moyens de défense.
L’équation devient compliquée à démêler, pensent-ils, surtout que la mission de contrôle de l’Inspection Générale des Finances -IGF- n’est pas encore terminée et ses conclusions pas encore connues. “Sur quels éléments le Ministre d’État en charge du Portefeuille a pu asseoir une mesure à titre préventif dans un dossier dont il ne possèdait aucune donnée fiable pouvant prouver la présence d’indices sérieux de megestion de la part des intéressés” se demandent des analystes convaincus que cette précipitation dans la mesure de suspension a empêchée son auteur de se rendre compte de l’erreur qu’elle avait commise en sanctionnant un mandataire de l’État, se trouvant de surcroît en congé statutaire.
Une bourde de plus qui pousse à rappeler au Ministre que la RDC a souscrit à l’OHADA et de ce fait, elle ne peut pas se dispenser de la procédure requise pour la suspension d’un mandataire.
Aucune de toutes ces exigences n’a été observée, comme si on craignait la fin du monde dans les heures qui allaient suivre.
Il convient ici de noter que le Conseil d’Administration n’a aucune compétence pour gérer une entreprise publique au quotidien, tout comme il n’est pas comptable ni responsable en cas de problème de gestion de la société. Une tâche entièrement assurée par le comité de gestion.
Les moins naïfs de ceux qui suivent cette traque des mandataires publics voient se dessiner à grands traits, la volonté manifeste de mettre à l’écart des cadres du FCC à la tête des entreprises publiques et autres sociétés étatiques par ceux de AFDC en partant de l’idée que le compatriote Masumbuko et le Ministre d’Etat au Portefeuille ont pour trait commun, leur appartenance au parti du président du Sénat. Ceci peut expliquer cela, conclut-on.
Le Journal