Affaire Constant Mutamba: Firmin Mvonde dans le bon droit

 Affaire Constant Mutamba: Firmin  Mvonde dans le bon  droit

La demande dautorisation dinstruction du Procureur Général près la Cour de Cassation Firmin Mvonde à l’Assemblée Nationale concernant le Ministre de la Justice Constant Mutamba, suspecté de détournement des fonds pour la construction dune prison à Kisangani a relancé le débat sur la responsabilité pénale des membres du Gouvernement en République Démocratique du Congo.

Maître Léon-Richard Engulu, en tentant de défendre le ministre dans une tribune publiée en ligne sur enquête.cd le 22 mai 2025, a avancé une argumentation qui révèle des confusions avec les principes juridiques établis, en mélangeant les notions de hiérarchie administrative et d’indépendance de la justice. Le philosophe Léon Engulu III révèle les failles de son argumentation.

 

Hiérarchie administrative ou responsabilité pénale ?

Dans sa tribune Maître Léon-Richard Engulu s’est appuyé sur l’idée qu« en vertu du principe hiérarchique, un subordonné ne peut contrôler son supérieur » et que le Ministre de la Justice, étant « au sommet » de la hiérarchie des procureurs, exerce un « pouvoir dinjonction et dimpulsion » sur eux. Cette conception est valide dans le cadre de la gestion administrative du ministère ou de l’orientation de la politique pénale générale. Le ministre de la Justice peut, en effet, donner des directives aux parquets. Cependant, ce principe de subordination hiérarchique ne s’applique absolument pas quand il s’agit de la responsabilité pénale individuelle d’un haut dignitaire.

Les procureurs sont des magistrats du Parquet, et leur rôle principal est d’enquêter et de poursuivre les infractions, indépendamment de la position sociale ou hiérarchique de l’auteur présumé. Ils sont censés agir avec indépendance dans l’application de la loi. Les privilèges de juridiction ou limmunité parlementaire des ministres ou des députés visent à protéger leur fonctions et non à leur accorder une impunité fondée sur leurs qualités. La procédure d’autorisation d’instruction est précisément le mécanisme légal qui permet au Parquet d’agir contre un membre du gouvernement soupçonné d’infraction.

Des fausses analogies

Pour étayer sa position, Maître Engulu dresse des parallèles : « Un vice-ministre ne peut sanctionner un ministre, un colonel ne peut sanctionner un général. » De la même manière, un procureur ne peut sanctionner le Garde des sceaux. Ces comparaisons sont fallacieuses. Les relations entre vice-ministre et ministre, ou entre colonel et général, relèvent dhiérarchies internes où les sanctions sont de nature disciplinaire ou managériale. Une poursuite pénale, en revanche, n’est pas une sanction interne. C’est une action en justice menée par un organe indépendant, le Parquet, au nom de la société. Le procureur ne sanctionne pas ; il mène une enquête et requiert des poursuites. La sanction, s’il y a lieu, est prononcée par un juge indépendant après un procès. Firmin Mvonde, Procureur Général près la Cour de Cassation n’est pas un simple « subordonné » du ministre de la Justice quand il s’agit d’exercer l’action publique contre ce dernier. Son rôle, défini par la loi, est justement de poursuivre les infractions commises par les hauts dignitaires, en suivant les procédures spécifiques établies pour garantir la bonne administration de la justice tout en protégeant la fonction étatique.

Méconnaissance des procédures 

Laffirmation par un juriste de formation que la demande dautorisation dinstruction du Procureur Général près la Cour de Cassation serait « irrecevable en droit administratif » et que l’Assemblée Nationale devrait « y opposer une fin de non-recevoir » démontre une certaine méconnaissance des mécanismes constitutionnels de la responsabilité pénale des membres du Gouvernement. En République démocratique du Congo, l’Article 164 de la Constitution est clair. Il dispose que : « Le Président de la République et le Premier Ministre sont justiciables devant la Cour constitutionnelle. Les membres du Gouvernement, les membres du Parlement, les membres de la Cour constitutionnelle, les membres de la Cour de cassation, les membres du Conseil d’État, les membres de la Cour des comptes, les membres des Cours et Tribunaux militaires, les membres des parquets près ces juridictions, les Gouverneurs et Vice-Gouverneurs de Province et les membres des Cours d’appel et des Parquets généraux près ces Cours sont justiciables devant la Cour de cassation ».

C’est sur la base de cet article et des lois organiques subséquentes, notamment la loi organique sur la procédure devant la Cour de Cassation, que le Procureur Général près la Cour de Cassation est l’organe expressément compétent pour demander une autorisation d’instruction à l’Assemblée Nationale avant d’engager des poursuites contre un ministre. Cette procédure est la voie légale et constitutionnelle pour permettre au Parquet d’agir. Qualifier une telle requête d’irrecevable sur la base d’une hiérarchie administrative qui empêcherait le Procureur Général Firmin Mvonde de ladresser à lAssemblée nationale est une erreur fondamentale au regard du droit constitutionnel et judiciaire congolais.

L’égalité devant la loi prévaut sur la hiérarchie

En invoquant larticle 70 de loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013, qui mentionne le pouvoir hiérarchique du ministre de la Justice, Maitre Engulu commet une interprétation erronée. Ce pouvoir s’exerce dans le cadre de la politique pénale générale et de l’organisation des services, non comme un bouclier contre des poursuites pénales individuelles. Aucun texte de loi ne place un ministre de la Justice au-dessus des lois pénales de son pays ou ne le soustrait à des poursuites judiciaires légalement établies sous prétexte de sa position hiérarchique sur les magistrats du Parquet. Au contraire, le principe d’égalité de tous devant la loi est une pierre angulaire de l’État de droit. Les mécanismes d’autorisation d’instruction ou de levée d’immunités existent précisément pour que ce principe fondamental puisse s’appliquer aux plus hautes fonctions de l’État.

En conclusion, l’argumentation de Maître Léon-Richard Engulu, en confondant hiérarchie administrative et responsabilité pénale individuelle, semble méconnaitre les fondements du droit constitutionnel et judiciaire de la RDC. La démarche du Procureur Général près la Cour de Cassation est non seulement recevable, mais elle est la procédure normale et constitutionnelle pour enquêter et potentiellement poursuivre un membre du Gouvernement soupçonné d’infractions.

Citoyen de Lukula, terre d’origine du Procureur Général Firmin Mvonde, je salue son action diligente et équilibrée à la tête du Parquet Général près la Cour de Cassation. Nul doute que le ministre de la Justice Constant Mutamba, bénéficiant pleinement de la présomption d’innocence, saura présenter ses moyens de défense en toute transparence devant la Cour de Cassation.

 

Léon ENGULU III

Philosophe, 

Ancien Coordonnateur a.i. du 

Mécanisme National de Suivi, 

chargé de la préparation des réformes e

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