ACCORDS MINIERS USA-RD CONGO vs USA-RWANDA : Tshisekedi doit éviter le piège de Kigali

L’annonce par l’agence Reuter le 23 avril dernier de pourparlers entre les USA et le Rwanda concernant un éventuel accord sur l’accès aux minéraux, et confirmé par un officiel rwandais sans plus de détails, appelle les responsables politiques congolais a une profonde réflexion pour éviter le piège tendu par Kigali.
Le contexte de ces pourparlers qui se déroulent parallèlement aux discussions pour la conclusion d’un accord minier entre les USA et la RD Congo révèle une manœuvre de grande envergure menée par Kigali contre les intérêts nationaux congolais. Analyse de Léon ENGULU III, ancien Coordonnateur a.i du Mécanisme National de Suivi de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, spécialiste des réformes institutionnelles et des relations internationales.
Kigali aux abois…
Le 19 février 2024, l’UE et le Rwanda signaient un protocole d’accord prévoyant un investissement de 400 millions de dollars pour soutenir la transformation du secteur minier rwandais. Le 13 février 2025, le Parlement européen a voté une résolution demandant la suspension de cet accord. Cette demande faisait suite à l’agression menée par le Rwanda et ses milices de pillages M23/AFC dans l’est de la RD Congo, et aux préoccupations internationales concernant l’exploitation illicite des ressources minières congolaise par le Rwanda.
Suite à cette demande du Parlement européen, Kaja Kallas, haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, a déclaré le 24 février 2025 que l’UE allait reconsidérer son accord sur les matières premières critiques avec le Rwanda en réponse à son implication dans l’est de la RD Congo. Cette suspension intervient sur fond de rupture des relations diplomatiques le 17 mars 2025 entre la Belgique et le Rwanda, suivie de la rupture de leur coopération le 18 février 2025. Le 4 mars 2025 l’Allemagne avait annoncé pour sa part la suspension de nouveaux engagements financiers avec le Rwanda. Le Royaume Uni a également suspendu son aide bilatérale au Rwanda, impliqué dans l’agression de l’est de la RDC. Ces suspensions ont fait perdre à Kigali le tiers de son budget national.
Un accord parasite pour le Rwanda
Au bord du gouffre financier Paul Kagame tente une manœuvre de la dernière chance en négociant un accord parasite avec les USA pour continuer à tirer profit des ressources minières de la RD Congo. La signature de l’accord minier entre les USA et la RD Congo sur l’extraction et l’exportation de minerais critiques en contrepartie d’un soutien sécuritaire de grande envergure pour la pacification de l’Est est attendue dans les prochains jours. Cet accord a inspirés des infiltrés, dont certains sont bien connus, pour suggérer à Kigali une manœuvre de la dernière chance, appuyée par des lobbyistes du parti démocrate américain, afin d’obtenir de l’administration Trump la signature entre les USA et le Rwanda d’un accord de transformation au Rwanda des minerais extraits en RD Congo. On devine que ces pourparlers entre les USA et le Rwanda ont pour objet le raffinage, la séparation et la pré-industrialisation des minerais congolais au Rwanda, dans des usines financées par les USA. Cette tentative de la dernière chance pour un Kagame aux abois vise à contourner l’accord avorté entre l’UE et le Rwanda portant sur un financement avorté de 400 millions USD, bien que le Rwanda ne dispose pas de ressources minières significatives.
Tshisekedi doit dire non
La manœuvre désespérée de Kigali, présentée aux Américains comme le cadre potentiel d’une paix dans la région, constitue la première étape d’un piège de longue durée dans lequel le président congolais Félix Tshisekedi ne doit pas tomber. Si la RD Congo permet à Kigali de signer un accord minier avec les USA pour la sous-traitance de la transformation de ses ressources minières au Rwanda, elle perdra le bénéfice de la valeur ajoutée et demeurera un simple fournisseur de matières premières, tandis que le Rwanda captera indûment la plus-value issue de la transformation.
La conséquence d’une telle situation serait la dépendance économique prolongée de la RD Congo, car l’absence d’infrastructures de transformation sur le territoire congolais empêcherait Kinshasa de développer un tissu industriel national. Le déséquilibre géopolitique qui s’ensuivrait permettrait à un Rwanda complètement isolé sur la scène internationale de renforcer son influence régionale et son poids diplomatique, en apparaissant comme un partenaire plus fiable et structuré pour les acheteurs occidentaux. Les Congolais attirent l’attention de leurs autorités politiques sur le fait que ce montage ne serait qu’une nouvelle forme de pillage, avec toutes les apparences de la légitimité pour le Rwanda.
Exigences non négociables des Congolais
Rangés derrière leur Président Félix Tshisekedi, rempart national contre l’agression rwandaise et ses milices supplétives de pillages, les Congolais exigent la transformation locale de leurs ressources dans le cadre de l’accord minier à signer avec les USA. Cet accord doit prévoir une clause d’installation d’unités de transformation des ressources minières congolaises sur le sol congolais. Les Congolais refusent toute forme d’accord dissocié avec les USA et n’autorisent, le peuple d’abord, pleinement souverain, la seule option que l’extraction des minerais congolais s’effectue dans le cadre d’un schéma intégré exploitation-transformation locale. Par cela, les Congolais veulent voir leurs capacités industrielles renforcées, avec des investisseurs industriels reconnus. Les Congolais demandent au Président Félix Tshisekedi de leur assurer une politique de souveraineté sur toute la chaîne de valeur de leurs ressources minières.
Les Congolais refusent que le Rwanda tire bénéfice de la chaine de valeur liée à la transformation des ressources minières de la RD Congo, la transformation étant plus lucrative que l’extraction brute. Les Congolais refusent que le Rwanda devienne un hub industriel stratégique à leurs dépens, attirant les investissements et créant des emplois qualifiés avec leurs ressources minières. Les Congolais demandent à leur président Félix Tshisekedi de saisir l’opportunité historique de développer une industrie locale de transformation dans l’est de la RD Congo, génératrice d’emplois et de recettes fiscales profitables à toute la république.
Problèmes géopolitiques à venir…
Si le gouvernement congolais tombe dans le piège de Kigali, en acceptant la localisation de la transformation des minerais congolais au Rwanda, plan concocté par des infiltrés à la solde des deux pays, les tensions ne feront que s’accroitre car les Congolais estimeront que le Rwanda continue de profiter de ses ressources de manière indirecte. Les USA seront accusés de jouer sur les deux tableaux en alimentant une dynamique asymétrique dans la région.
La RD Congo doit conditionner l’accord minier avec les USA à une clause de transformation strictement locale. Dans le cadre de l’Unité africaine, la RD Congo pourrait se limiter à accorder au Rwanda une aide au développement, mais sans aucun abandon de souveraineté. Les Congolais refusent tout arrangement avec le Rwanda, pays reconnu comme agresseur par la communauté internationale, avec près de 10 millions de morts au passifs de ses tentatives d’annexions en RD Congo. Le Rwanda et le M23/AFC étant vaincus par la résistance congolaise, le président Félix Tshisekedi doit tenir d’une main ferme, sans désemparer, la souveraineté minière de la RD Congo. Pas de signature sans transformation locale : la RD Congo doit être seule maîtresse de toute la chaîne de valeur minière.
Léon ENGULU III
Philosophe (major UlBruxelles)
Ingénieur agronome,
Ancien Coordonnateur a.i du Mécanisme
National de Suivi chargé de la
préparation des réformes en RD Congo