Fayulu, l’homme seul !

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Dans un mémorandum adressé à la CENI par l’opposition qui se décline en trois personnes l’ayant signé : Moïse Katumbi, Augustin Matata et Delly Sesanga, il est suggéré à la Centrale électorale les préalables qu’il faut pour un processus électoral crédible en RDC.

Le document se fait le devoir de rappeler la litanie des disfonctionnements que l’opposition a jusque-là dénoncés et qui sont connus de l’opinion notamment, la composition du présidium de la CENI contestée à cors et à cris, la loi électorale contenant des dispositions sujettes à controverses dans l’intention d’organiser des élections truquées, l’opération d’identification et d’enrôlement des électeurs jugée chaotique, un fichier électoral corrompu, contradictions autour des opérations du financement du processus électoral, le rétrécissement de l’espace politique par le musèlement de l’opposition par des arrestations arbitraires.


Pour corriger les erreurs et faire avancer le processus en cours, le mémorandum propose la restructuration de la CENI, l’audit du fichier électoral par un cabinet international dont l’expertise en la matière et l’indépendance sont avérées, discussion autour de différents aspects techniques dans un cadre de concertation responsable, révisitation de la loi électorale, recomposition de la Cour constitutionnelle, mettre fin à l’instrumentalisation des institutions et aux restrictions des libertés, s’assurer que les élections se dérouleront sur toute l’étendue du territoire national, avec le concours de la MONUSCO. Que Martin Fayulu n’ait pas signé ce mémorandum est un signe qui ne trompe pas sur son isolement du groupe des ténors de l’opposition et pousse à se poser des questions sur sa nouvelle identité politique. Pas étonnant que des collaborateurs de première force au sein de son parti à l’instar d’Ados Ndombasi, commencent à manifester leur exaspération en quittant le navire.

Fayulu égal à lui-même…
Président national du parti ECIDE, Martin Fayulu Madidi est cet opérateur politique qui a tendance à confondre les réalités et les époques. A la faveur des élections de 2028, l’opposition politique avait trouvé mieux de faire bloc autour d’une personne pour ne pas affronter le camp de Joseph Kabila en ordre dispersé et se donner, du coup, les moyens de sortir la tête haute des joutes électorales.
Ce qui a justifié la rencontre de Genève ayant mis autour de la table Félix Tshisekedi Tshilombo, Moïse Katumbi Chapwe, Jean-Pierre Bemba Gombo, Vital Kamerhe, Adolphe Muzito et Matungulu Ilankir pour opérer le choix sur l’un des leurs qui devant prendre le flambeau et bénéficier de l’appui et accompagnement des autres pour mener le combat électoral. L’équilibre géopolitique ayant fait le reste, Fayulu s’est vu porté au pinacle avant que le duo Tshisekedi-Kamerhe sentant l’arnaque boutiqué par les forces agissant dans l’ombre, s’était retiré de ce deal aux contours mal définis. Objectif : aller rejouer une nouvelle carte au Kenya. Cette carte avait fini par donner Tshisekedi candidat de l’opposition.

Mêmes causes, mêmes effets !
Conséquence logique, l’opposition -à la manière d’un monstre à plusieurs têtes-, s’est retrouvée avec deux candidats à la présidentiel : Fayulu et Tshisekedi qui, au finish, se sont disputé le gâteau avec comme résultat, Félix Tshisekedi déclaré par la CENI vainqueur de la présidentiel. Fayulu, de son côté, revendiquant la victoire en s’appuyant sur les résultats compilés par les observateurs indépendants dont ceux de l’église catholique.
Cinq années vont être totalisé depuis ces évènements. Fayulu n’a cessé pourtant de se considérer comme président élu de 2018 pour se donner la conscience tranquille.
Maintenant que les prochaines échéances électorales pointent à l’horizon et de nouveaux enjeux se dessinent, l’opposition qui ne veut pas rater la timbale affûte méthodiquement ses armes. A l’image de ce qui s’était passé il y a 5 ans, les conciliabules politiques à l’opposition, se sont fortement cristallisées autour d’un quatuor formé de Fayulu, le même, Katumbi, et deux nouveaux venus qui se sont ajoutés à ce duo. Il s’agit de Sesanga et de Matata.
Les quatre personnalités ont montré qu’elles étaient soudées pour un idéal commun. Juste l’espace d’un temps qui les a vues développer des stratégies et discours rudes contre le pouvoir en place et la CENI jugée pire que le diable, et en sus, les marches et sit-in non aboutis ont été mis en route, avant que l’union montre les fissures.

Les romains s’empoignent…
Des fissures nées de la discorde face à la participation aux élections ou pas aussi longtemps que la crédibilité du fichier électoral n’a pas mis tout le monde d’accord. Fayulu avait pris le devant en déclarant n’être pas disposé à aligner ses candidats à des élections « visiblement préparées pour être truquées », pour se rétracter par la suite en confiant que ses protégés seront dans la course. De quoi se souvenir de 2018 quand il avait décidé malencontreusement de ne pas s’engager dans les élections pilotées par la machine à voter, avant de s’y lancer à corps perdu et se déclaré élu. Pendant ce temps, il avait dérouté ses combattants par son ambiguïté.
Pendant ce temps, Katumbi lui a coupé l’herbe sous les pieds en disant le contraire pour ne pas, selon son porte-parole, signer un chèque en blanc au bénéfice du pouvoir actuel.
En effet, de la même façon que les choses s’étaient déroulées en 2018, l’année 2023 risque de voir l’histoire se répéter. Dès lors que, Martin Fayulu continuant à se considérer comme leader, fort de son statut de président de la République élu autoproclamé en 2018, voudrait prendre le devant sur ses partenaires politiques. Pourtant, ceux-ci ne sont pas prêts à se laisser mener en troupeau de moutons de panurge. Chacun d’entre-deux affichant, haut et fort, ses ambitions de se présenter candidat à la candidature pour la présidentielle 2023. Katumbi, en tête de liste, porté à bout de bras par la rencontre de Lubumbashi qui avait pour but de choisir un candidat unique. Dans sa suite se positionne en ordre utile Augustin Matata. Sesanga affichant désormais profil bas dans cette guerre ouverte. Faute de moyens et d’encrage sur le territoire. L’avenir risque d’être sombre pour le camp de l’opposition. Surtout du côté de Martin Fayulu Madidi se trouvant désormais en position de cavalier solitaire.

Le Journal