Covid-19 et crise de la démocratie appellent une nouvelle gouvernance en RDC

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Après de deux ans de la fin de son mandat, le Président Félix-Antoine Tshisekedi lance le programme de la couverture sanitaire universelle et celui du développement du pays par la base à travers les 145 territoires. La vision présidentielle du développement par le centre : plus de 78.800 villages compris dans les territoires sont concernés. Un cas d’école bien connu en Afrique, mais presque jamais appliqué, afin de suivre le modèle colonial de la modernisation des milieux urbains pour l’administration et la consommation et d’exploitation des matières premières dans les villages conquis et transformés en carrés miniers et centres de production agricole d’exportation.

Bien avant, en 2020, il y a eu le Programme Présidentiel Accéléré de Lutte Contre la Pauvreté et les Inégalités. Les objectifs de ces programmes tendent tous à améliorer l’accès des populations rurales aux infrastructures et services socioéconomiques de base, à promouvoir des économies locales et rurales, à renforcer les capacités de gestion du développement local, à créer des emplois dans les milieux ruraux et à organiser la présence effective de l’Etat dans l’arrière-pays par les infrastructures modernes.

Seulement, ce souci du développement économique et social n’est pas soutenu par un programme de développement conséquent de la mentalité dans la classe politique et de la qualité de la justice. La volonté politique constatée d’instaurer l’Etat de droit n’est pas assez largement partagée autour du Président de la République. La gestion publique par caprices du ventre des dirigeants et l’absence de l’autorité de l’Etat n’offrent aucune garantie de réalisation d’un plan de développement ne faisant pas d’elles des problèmes

cruciaux à résoudre. Le chemin du développement est miné par la corruption de manière générale et par l’insécurité dans certains des 145 territoires, de sorte que seule une nouvelle gouvernance et une réforme appropriée de la justice peuvent permettre une meilleure affectation des ressources humaines et financières au programme de développement.

LA VOLONTE POLITIQUE CONSTATEE POUR L’ETAT DE DROIT FACE AUX CRISES DE LA MORALE PUBLIQUE, DE LA CITOYENNETE, DE LA CONCEPTION ET L’EXERCICE DU POUVOIR.

L’Etat de droit est la vision phare présentée par le Président de la République. La classe politique congolaise semble ne pas en vouloir. La propension si forte à la violation des lois pour assurer une position confortable à la prédation fonctionne avec un Etat faible ou

presque inexistant. Les politiciens congolais ont besoin d’une situation de non-Etat comme caution d’enrichissement personnel, de l’impunité et de jouissance égoïste du pouvoir.

L’absence d’un plan cohérent et soutenu par la majorité au pouvoir sur la gouvernance de la société congolaise, tenant compte de ses défis majeurs, crée une crise de vision commune avec un impact négatif sur le développement du pays. L’Union Sacrée de la Nation, initiée par le Président Félix-Antoine Tshisekedi, avec l’idée de fédérer les forces politiques et résoudre des problèmes réels de la nation, a la faiblesse de manquer un même esprit. Faisant pourtant partie de la coalition gouvernementale, certains ministres poursuivent des agendas susceptibles de freiner l’action gouvernementale. Les efforts de lutte contre les détournements des fonds publics avec l’Inspection Générale des Finances rencontrent l’insalubrité judiciaire et le dysfonctionnement de l’Administration publique.

L’économie congolaise ne peut décoller sans une politique réelle et appliquée à tous les niveaux de la structure de l’Etat pour résoudre les vrais problèmes de la nation. C’est la crise de la morale publique avec des dirigeants corrompus et jouisseurs, dont se servent

aussi les prédateurs étrangers pour affaiblir l’Etat congolais et accéder aux richesses naturelles à moindre cout. La crise de la citoyenneté, avec une population en majorité ignorante de la loi, a une conscience formatée pour se préoccuper peu de ses devoirs civiques. La crise de la conception et de l’exercice du pouvoir est un état d’esprit largement partagé en Afrique, faisant du pouvoir un moyen de se servir et dominer, sans se soucier de servir et compatir à la misère du peuple.

COVID-19, DEMOCRATIE ET VISION DU PEUPLE POUR SON BONHEUR

La pandémie à COVID-19 a révélé la fragilité de la construction actuelle de l’Etat, paralysé par une guerre biologique dont on n’a pas su déterminer le réel ennemi, le mode opératoire et la finalité. La peur de vivre avec ou à côté de l’autre, dont son épouse, son mari, sa mère, ses enfants ou son père, a bouleversé les règles du vivre ensemble.

Néanmoins, la crise sanitaire a l’avantage de faire prendre conscience de la primauté de la vie, la chose essentielle et irréductible de l’être humain. Les pouvoirs publics et toute  la communauté internationale ont le devoir primordial de protéger la vie. Le droit fondamental au bien-être social se réalise par les droits à la santé, à un environnement sain, à la nourriture appropriée et équilibrée, à la paix. La couverture sanitaire universelle, bien que merveilleusement couplée avec le programme de construction d’hôpitaux à travers le développement des 145 territoires, manque le soutien d’une politique publique efficace de recherche scientifique, d’industrialisation de la production pharmaceutique nationale, de protection et promotion de l’invention congolaise.

L’autre avantage de la réaction au Covid-19 a été le test positif de la soumission de la population aux décisions impopulaires des pouvoirs publics, prises pour restreindre ses libertés, diminuer le train du fonctionnement de l’Etat et des entreprises.

Malheureusement, le gouvernement congolais n’a pas su exploiter à fond ses capacités découvertes, par des mesures courageuses, pour contraindre les congolais à la discipline citoyenne. L’urgence sanitaire a été une occasion ratée de remodeler profondément les habitudes, particulièrement dans les domaines de l’hygiène publique.

La République Démocratique du Congo, au regard de ses énormes dimensions géographiques et à ses 450 tribus, n’a pas besoin de dictature personnalisée, connue avec les régimes de Mobutu et des deux Kabila, pour réussir la stabilité politique et les progrès économique et social. L’expérience de l’application rigoureuse des lois s’offre à nous comme alternative valable à la tyrannie.

Le modèle de la dictature de la loi n’a pas encore été véritablement essayé, afin que les valeurs consacrées soient respectées absolument par tous, y compris pas la contrainte légitime. L’Etat de droit est donc une noble ambition, encore faudra-t-il lui donner un contenu original et conforme à la vision de bonheur du peuple congolais.

Est biaisée la conception d’une démocratie complaisante, limitée à des élections de pure forme destinée à la consommation de l’opinion internationale et à la consécration d’une passation « pacifique » mais forcée et non sincère du pouvoir. L’expérience congolaise de l’alternance politique et des élections a montré une incapacité notoire à renouveler la classe politique pour donner au peuple les gouvernants du progrès de la société et une autre manière de faire la politique, celle qui est fondée sur l’intérêt général, le respect et la promotion du bien commun.

Félix Tshisekedi a une chance incroyable de représenter encore l’espoir de changement en République Démocratique du Congo et de déboulonnement du système mafieux construit et laissé par les régimes Mobutu et AFDL (Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo). Il devra, pour cela, s’entourer des personnes dévouées au pays et dignes de cette mission.

L’impérieuse nécessité de recomposer son personnel politique passe par la remise en question, par lui-même, de sa propre capacité à choisir ses collaborateurs, afin de s’imposer les critères adaptés aux circonstances du moment.

Ensuite, il y a lieu d’ouvrir un débat social de sincérité, non un dialogue de salon des politiciens, pour nous demander quelle démocratique dont nous avons besoin, après avoir fait le constat amer de l’échec du système actuel de gouvernance et du choix des gouvernants. Avons-nous besoin de refaire l’Etat ou des élections reproduisant les mêmes types de contestations, de gouvernance au rabais, de vie sociale infrahumaine et de gouvernants foncièrement corrompus ?! Devons-nous nous astreindre hypocritement à l’exercice du respect du délai constitutionnel pour les élections en vue de rester malheureux ? Ou définir notre bonheur collectif et la manière de le réaliser en toute responsabilité et souverainement pour sortir du bourbier actuel ? Le masochisme a caractérisé longtemps une partie de la population congolaise, sans doute par l’effet dévastateur de la colonisation et de la dictature ; il risque de perdurer et laisser à la soif du pouvoir, par conquête ou conservation, prendre le dessus sur la réflexion de société.

LA NOUVELLE GOUVERNANCE ET LES REFORMES DE LA JUSTICE ET DE L’ADMINISTRATION PUBLIQUE

Le régime en place devra envoyer aux congolais des signaux positifs clairs de reprise d’espoir, afin que sa vision du « peuple d’abord » trouve un sens. Tenant compte d’énormes pouvoirs reconnus au Gouvernement dans la Constitution, il faut un Premier ministre et des ministres assez outillées spirituellement, mentalement et intellectuellement pour :

– Rétablir l’autorité de l’Etat ; – Instaurer la discipline dans la classe politique par la recherche et le respect sans faille de la primauté de l’intérêt général ;

– Se soucier constamment de la mise en application et la réussite du programme conçu et arrêté avec le Président de la République ;

– Demeurer loin des influences politiciennes, tribales et étrangères. Le leadership féminin est en progrès en Afrique et Félix Tshisekedi envisage son alternance avec une femme. Ce qui ne peut se réaliser sans préparation et une participation accrue et qualitative des femmes dans la prise et l’application des décisions de haut niveau. Le besoin de donner une opportunité au leadership féminin de s’exprimer et de s’affirmer dans la gouvernance de la RDC est de nature à donner l’espoir d’être dirigé autrement, avec le souci de la paix sociale, du bien-être social, de la sécurité pour tous, de l’éducation, du bonheur familial et de l’instruction de la jeunesse. Il est donc possible de provoquer une détente psychologique et un dynamisme nouveau dans la population avec un Premier ministre femme. Un défi à relever chez les femmes et un détonateur pour la révolution mentale dont les congolais ont besoin.

En vue d’aérer l’espace politique congolais et lui donner la souplesse dans la législation, la réflexion, la conception et la détermination des directives principielles, il convient de réduire en priorité les privilèges distrayants et exorbitants des dirigeants et réformer la Justice et l’Administration publique. Il n’y a aucune raison de continuer à payer gracieusement une classe politique pléthorique, improductive et inefficace, et même nuisible aux intérêts du peuple.

La plus première et douloureuse réforme est celle de l’assainissement du milieu politique. Réduction, par un contrôle de légalité, du nombre des partis politiques. La mise à l’écart judiciaire et administrative des politiciens véreux et corrompus. Le regroupement des ministères et diminution des membres dans les cabinets politiques.

Ensuite, la responsabilisation accrue des secrétaires généraux et de l’ensemble de l’Administration publique, tout en restreignant rigoureusement les compétences du personnel politique des cabinets aux taches leur dévolues au sein de leurs cabinets (étude, conseil, conception, proposition et suivi des dossiers). Cette nouvelle manière d’assurer le pouvoir exécutif par les membres des cabinets politiques, au-delà de la confusion qu’elle apporte entre politiciens et fonctionnaires publiques, paralyse le fonctionnement de l’administration publique. L’informatisation généralisée de la gestion publique est devenue une nécessité absolue de performance.

Ces changements n’ont besoin que du courage politique du Chef de l’Etat et de l’accompagnement sincère de la majorité qu’il a réussi miraculeusement à s’offrir. Il faut en plus une justice intellectuellement, matériellement et financièrement à la hauteur des enjeux, ainsi qu’une administration publique reformée dans la perspective de l’efficacité, de l’anticipation, de la prévention et de la présence dans tous les domaines de la vie nationale.

La kombolisation est marche.

Bamuangayi Kalukuimbi Ghislain/CP