Le pont entre la Pastorale et le Politique vu par Rév. Prof. Sanguma, T. Mossai

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La Pastorale et la Politique sont deux concepts, mieux deux réalités de dimension lourde qui, depuis des âges, font objet de controverses et soulèvent parfois des polémiques. Et, à ce sujet, la question qui a toujours été posée n’est pas moins celle de savoir, laquelle de deux a la primauté sur l’autre ?

C’est devant un parterre d’étudiants en Droit de l’Université Protzestante du Congo réunis en conférence, que le Révérend Prufesseur Sanguma T.Mossai, dans sa double casquette de pasteur et d’acteur politique, s’est penchée sur la question pour y déceler la fausse note s’il en existe.
D’emblée, le conférencier Sanguma a confié qu’ « un regard rétrospectif dans le temps montre que les rapports entre Eglise et Etat ont toujours été versatiles. En d’autres termes, soit le rapport entre les deux était au beau fixe, soit un antagonisme farouche était constaté ».
A l’époque médiévale par exemple, il y a eu antagonisme entre l’Eglise catholique romaine et les dirigeants politiques, a-t-il révélé en soulignant qu’il était reproché à l’Eglise sa main mise sur toutes les affaires dans la gestion de l’Etat. Une mainmise observable par la position d’opposition que les Chefs de l’Eglise manifestaient contre les dirigeants politiques pour certaines questions ayant trait à la marche de la société. L’autre illustration c’est en rapport avec la France où le cardinal et le Roi étaient souvent en conflit sur certaines matières concernant la vie publique.
De là, jeter un regard intéressé sur le cas de la RDC à cet effet, aura été un exercice que le Professeur Sanguma a vite fait en jugeant ce cas révélateur en disant qu’à l’époque coloniale par exemple, les relations Eglise-Etat ont également fait preuve de cette versatilité. Tantôt ce sont les catholiques qui sont, soit en bon terme ou pas, avec le pouvoir public tantôt ce sont les protestants sur le même schéma.
Les choses étant ainsi vues, le conférencier a fait savoir qu’au regard de ce qui précède, l’on est en droit de se poser la question principale de savoir : Face au mur qui ne cesse de se dresser depuis quelques temps entre l’Eglise et l’Etat en RDC, comment concilier la Pastorale et la Politique ? Er la question subsidiaire étant : Un pasteur peut-il faire la politique ?
Si oui, sous quelles conditions et pour quelle finalité, si non, pourquoi ? il s’est agi-là, du thème à développer : « La pastorale et la politique : pont de compatibilité ».
Et le révérend Professeur Sanguma d’affirmer que le pasteur peut faire la politique, à condition qu’il comprenne que sa « gouvernementalité » d’après les termes de Michel Foucault , obéisse à une certaine logique différente de celle de la politique sans Dieu.
A la question principale ci-dessus posée, Prof. Sanguma évoque, en passant, que le seul moyen de concilier la Pastorale et la Politique consiste dans ce que l’on appelle « la Pastorale pédagogique du regard ». Une façon pour l’Eglise, de s’imprégner des réalités sociales en vue de renouveler son regard sur la politique à la lumière de la Bible. « C’est ce nouveau regard qui redonne à la Parole de Dieu son actualité », a martelé le Prof.Sanguma sans avoir noté que ce regard permet de comprendre que de toutes les façons, la Pastorale et la Politique doivent se compléter en vue de la bonne marche de la société. Pour la bonne raison que le devoir de l’une et de l’autre c’est le bien-être du peuple, a précisé le conférencier, dans la mesure où, l’une s’occupe de la vie spirituelle et morale de la population, l’autre de la vie matérielle et socioéconomique. D’où, la complémentarité set de mise, a soutenu le Révérend Professeur.

« Loin de nous l’idée de séparer l’Eglise et l’Etat, encore moins de soutenir le discours qui consiste à considérer l’Eglise comme s’ingérant dans les affaires de la politique. Au contraire, nous disons que l’Eglise a un droit de regard sur la politique quand les affaires du pays ne marchent pas bien, pour l’intérêt de la vie de la population en général et des enfants de Dieu dont elle est aussi la garante en particulier », s’est exprimé l’homme d’Eglise en parlant de la quintessence de la mission prophétique de l’Eglise avant de conclure que sa propre expérience dans la pastorale et dans la politique lui a permis, grâce à la méthode systémique qui consiste à comprendre les différentes structures de la Société comme un tout, de proposer la présente communication.

Le Journal

LA PASTORALE ET LA POLITIQUE :
LE PONT DE COMPATIBILITE

1.1 La Pastorale
L’origine du mot se plonge au cœur de l’Evangile, là où Christ se présente lui-même comme le Bon Pasteur. Celui qui connaît ses brebis et que ses brebis le connaissent. Il les appelle par leur nom et est prêt à donner sa vie pour elles.
Le Père BRINSFELD fut le premier à parler de pastorale en 1591 dans un manuel qui exposait la doctrine nécessaire aux prêtres qui prenaient soin des âmes .
Le Bon Pasteur (Berger) ici, est celui qui prend soin du troupeau des brebis. C’est une analogie utilisée pour illustrer la relation entre Dieu (Jésus) et son peuple. Le Pasteur (Berger) représente la protection, la guidance et l’amour du Seigneur envers ses brebis.
D’après Pierre-Luigi DUBIED, le mot « pasteur » peut aussi s’employer pour le prêtre dans ses fonctions de gardien du troupeau, il sert de terme technique pour désigner le ministère professionnel de la religion dans les confessions protestantes issues de la Réforme du XVIè siècle.
Il est clair que le pasteur peut-être un homme comme une femme (considéré comme conducteur spirituel). Sa tâche varie selon les temps et les circonstances, il peut soit conduire le culte, soit visiter les fidèles, accompagner les paroissiens dans différentes cérémonies et vies de l’Eglise. Quoiqu’il en soit, il doit être considéré comme le « berger ».
D’une manière singulière, les pasteurs sont appelés à exercer un rôle de berger. Ils doivent nourrir spirituellement le troupeau, veiller à ce que personne ne s’éloigne et démontrer la miséricorde de Jésus Christ envers les brebis. Dans ce sens la pastorale est donc une métaphore spirituelle qui rappelle l’amour et la protection que Dieu offre à son peuple.
Dans la tradition protestante issue de la Réforme, la compréhension de la pastorale est directement axée sur la compétence théologique . Par conséquent, le pastorat est appelé à chercher des solutions théologiques au problème de l’Eglise et de la Société. Cela permet à l’Eglise de faire des aller et retour entre le message évangélique et les réalités contemporaines.

1.2 La Politique
Le concept politique peut être comprise dans plusieurs sens, dont nous retenons les deux suivants :
a) Au sens large, le mot politique vient du grec polis qui signifie Cité. Dans ce sens, elle désigne ce qui est relatif à l’organisation d’un Etat et à l’exercice d’un pouvoir dans une société organisée. Elle porte sur les actions, l’équilibre et le développement interne ou externe de cette société, ainsi que sur ses rapports internes et ses relations avec d’autres ensembles.
b) Au sens restreint, la politique se réfère à la pratique du pouvoir. Elle embrasse les luttes du pouvoir et de représentativité entre les individus influents et forts ainsi que la gestion de même pouvoir. Y sont inclus les différents partis politiques auxquels ces individus peuvent appartenir.
A la lumière de ce qui précède nous disons avec Roger MEHL et Denis Müller qu’il n’y a de politique qu’à l’intérieur d’une cité. En d’autres, il existe en amont une communauté ayant la volonté du vivre-ensemble, d’avoir et de créer sa propre histoire. Or, cette démarche ne peut pas se faire sans un projet d’avenir rationnel.
Force est de constater que la RDC est tentée de sombrer dans les ténèbres sociopolitiques , voilà pourquoi nous disons que la Pastorale doit encourager les chrétiens à être actif et à participer activement à la politique.

II. CADRE THEORIQUE ET PRATIQUE
2.1 Pasteur (Chrétien) et Politique

Le Pape PIE XI (1939) en proclamant que la politique est le domaine de la plus vaste charité proclamait ce qui est le centre de la pensée chrétienne sur la vie politique. Le pasteur a pour mission essentielle de transformer ce monde pour l’offrir à Dieu. Cette transformation s’opère dans le travail mais aussi dans la vie sociale et politique, et il n’y a pas aux yeux des chrétiens de plus de grande manière d’aimer que de promouvoir un monde de justice, de paix et d’épanouissement de l’homme par la culture . Donc, c’est le bien-être de l’homme.
Apôtre Paul ne demande-t-il pas aux chrétiens de se soumettre chacun aux autorités en charge ? Car, il n’y a point d’autorité qui ne vient de Dieu et celle qui existait est constituée par Dieu (Rom. 13 : 1).
Il les invite en même temps de payer l’impôt non par crainte de châtiment mais par motif de conscience (Rom 13 : 5-6). Pour que la population soit heureuse et à l’aise, il faut que la politique qui la gère soit aussi bonne.

2.2 Points de convergences et de divergences entre la Pastorale et la Politique
Les pasteurs d’Eglise et les politiciens ont des rôles très différents mais il existe des points de convergences et de divergences entre eux.
2.2.1 Convergences
Le pasteur et le politicien ont tous deux rôles de leadership. Les pasteurs guident et gèrent spirituellement les congrégations tandis que les politiciens dirigent des communautés ou des nations.
En outre, ils ont tous la capacité d’influencer les autres. Les pasteurs par leurs enseignements religieux et les politiciens par leurs idéologies. Dans cette logique, les deux ont un rôle de communication efficace ; les pasteurs prêchent des sermons tandis les politiciens font des discours et déclarations idéologiques soutenant leur vision.
Enfin, ils sont tous deux responsables de leurs actions et de leurs paroles envers les communautés respectives.
2.2.2 Divergences
Les pasteurs se vouent aux activités religieuses et spirituelles tandis les politiciens sont actifs dans le domaine gouvernemental et politique.
Pendant que les pasteurs cherchent à orienter, à garder les âmes et à promouvoir la foi sous l’égide du Saint-Esprit, les politiciens visent la résolution des problèmes sociaux, économiques et politiques.
Aussi, les pasteurs mesurent souvent leur succès en termes de croissance spirituelle et de fidélité à la doctrine, tandis que les politiciens sont sur leurs réalisations politiques et leur capacité à répondre aux besoins de la population.
Enfin, les pasteurs sont liés par des principes religieux et moraux tandis que les politiciens doivent franchir un environnement politique complexe avec des intérêts divergents.
Au regard du tableau peint ci-dessus, nous pouvons affirmer que les pasteurs et les politiciens ont tous un impact sur la société et doivent prendre des décisions qui affectent la vie des gens. D’où notre position sur la complémentarité entre Pastorale et Politique.

III. PASTORALE ET POLITIQUE : PERSPECTIVES

Nous voici à la fin de notre communication. Nous avons voulu résoudre la mauvaise compréhension des relations Eglise-Etat au travail par les notions de la Pastorale et de la Politique.
La question de savoir laquelle de la Pastorale ou de la Politique peut avoir la primauté sur l’autre est capitale et dépend du contexte des valeurs et des croyances individuelles.

3.1 Primauté de la Pastorale
Pour les croyants, la pastorale occupe souvent une place centrale. Elle est liée à la foi, à la spiritualité et à la relation avec Dieu. Dans ce sens, la pastorale peut être considérée comme primordiale, car elle guide les âmes vers la vérité et l’amour divin.
Certains soutiennent que la pastorale a une portée éternelle. Les enseignements spirituels, la consolation et la direction offerts par les pasteurs peuvent influencer la vie après la mort, ce qui est en fait une priorité.
3.2 Primauté de la politique
La politique concerne la gestion des affaires terrestres, des lois, des ressources et des relations entre les individus et les nations. Elle a un impact direct sur la vie quotidienne des gens. Certains pensent que la politique est importante. Car elle transforme la société ici et maintenant.
Les politiciens ont la responsabilité des grandes décisions pour le bien commun. Ils doivent gérer les ressources, promouvoir la justice sociale et garantir la sécurité. Ainsi la politique fait fonctionner la société.


3.3. Complémentarité

L’élément de priorité à considérer c’est l’homme, le dénominateur commun exprimé de part et d’autre en termes différents. La pastorale parle de l’homme en terme soit de fidèle, soit de chrétien ou encore de brebis. La politique considère l’homme comme citoyen, peuple ou population. L’homme est au centre de toute activité pastorale ou politique. On note aussi la présence indéniable de la pastorale dans la politique et vice-versa. Donc si le pasteur prime pour bien-être de ses fidèles c’est exactement ce que fait un homme politique dans la gestion de sa société. Voila pourquoi le feu Etienne TSHISEKEDI WA MULUMBA dans son idéologie des gestion politique mettait l’accent surtout sur ‘’le peuple d’abord’’ il avait très bien réfléchi.

3.3 Eléments de pont de compatibilité (Complémentarité)
Au lieu de chercher à établir une primauté absolue, il est préférable de voir la pastorale et la politique comme complémentaires. Les pasteurs peuvent guider spirituellement les peuples, tandis que les politiciens gèrent les aspects matériels et sociaux de la vie en société. En d’autres termes, ceux qui gère la société sans Dieu, et ceux aussi gèrent des peuples avec Dieu.

Conclusion
La Pastorale et la Politique : pont de compatibilité. Nous nous sommes intéressés à cerner les concepts clés, pastorale et politique.
En étudiant les chrétiens et les politiciens pour sortir leurs points de convergence et de divergence à la complémentarité, nous mettons l’accent sur l’homme d’abord comme dénominateur commun, exprimé en différents termes. Nous faisons nôtre la parole de Dieu en Prov. 29 : 2 qui dit : « quand les justes se multiplient le peuple est dans la joie. Quand le méchant domine, le peuple gémit ».
L’Etat et l’Eglise ont le devoir sacré de conduire le peuple de Dieu à vie sereine et bien équilibrée sur le plan matériel et spirituel. Pour ce faire, ils sont dans l’obligation de veiller chacun en ce qui le concerne à la bonne marche de la société. Donc ils doivent cheminer ensemble, collaborer en parfaite harmonie et en responsables avertis, pour le bien de la communauté. En cas de conflit, ce qui n’est jamais évitable, ils se mettront autour d’une table pour dégager un consensus. Jamais un sans l’autre pour un bon épanouissement de la société, mais la morale chrétienne et le civisme sont déterminants pour y parvenir. Je vous remercie pour vos aimables attentions.

Bibliographie indicative

– Gisel, P. (dir.) (2006), Encyclopédie du protestantisme, 2ème édition revue, corrigée et augmentée, « Quadrige », Genève/ Paris, Labor et Fides/PUF.
– KABASELE Mukenge, A. (2007), Lire la Bible dans une société. Etudes d’herméneutique interculturelle, Kinshasa, Mediaspaul.
– Mossai T. Sanguma (2003), Vers une Théologie de la Réconciliation dans un contexte africain de conflit ethnique, Thèse doctorale, Fuller Theological Seminary. School of Mission.
– Mutombo-Mukendi, F. (2005), Du mirage nationaliste à l’utopie-en-action du messie collectif. Le cas du Congo-Kinshasa, coll. « Théologie et vie politique de la terre ».
– Tala-Ngai, F. (2001), RDC de l’an 2001 : Déclin ou déclic ? Kinshasa, Analyses sociales.